Droit - Numérique

DROIT D’AUTEUR

L’ADAGP part à la chasse aux NFT pirates

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 juin 2022 - 577 mots

PARIS

La société des auteurs entend faire de la pédagogie avec les plateformes, tout en leur signalant les œuvres litigieuses.

Marie-Anne Ferry-Fall, directrice de l'ADAGP © Caroline Bleux, agence Big Shot
Marie-Anne Ferry-Fall, directrice de l'ADAGP.
© Caroline Bleux, agence Big Shot

France. Avec l’explosion des transactions de NFT l’an dernier, le « dossier NFT » est passé en haut de la pile sur la table de Marie-Anne Ferry-Fall, la directrice de l’ADAGP (société des Auteurs dans les arts graphiques et plastiques), qui collecte les droits des artistes visuels. Les prix records des vignettes « CryptoPunks » et autres « Bored Ape Yacht Club » poussent, en effet, certains petits malins à fabriquer des images (des œuvres ?) à partir de véritables œuvres d’artistes morts ou vivants, voire à se contenter de la simple reproduction numérique d’une œuvre physique et à la mettre en vente sur les plateformes, assortis d’un certificat NFT. « Nous faisons la chasse tous les jours à ces contrefacteurs qui se moquent du droit de l’artiste qui a conçu l’œuvre originelle. Nous les signalons aux plateformes qui, dans l’ensemble, jouent le jeu et les déréférencent, explique-t-elle. C’est notre quotidien depuis plusieurs mois, c’est comme écluser l’océan à la petite cuillère. On avait déjà ce problème-là avec eBay. »

Thierry Maillard, directeur juridique de l’ADAGP, précise : « Le phénomène concerne surtout la plateforme OpenSea qui pèse 95 % du volume des NFT, un phénomène facilité par le fait qu’elle offre la possibilité de ne facturer les frais de “mintage” (“gas fees”), c’est-à-dire les frais d’inscription sur la blockchain (qui peuvent dépasser les 100 €) que s’il y a eu transaction. » Et Marie-Anne Ferry-Fall d’ajouter : « Nous sommes très sollicités par les artistes et les galeries, qui souhaitent mieux comprendre où ils mettent les pieds avec les NFT. »

Outre la surveillance des sites et des plateformes, l’ADAGP a décidé de faire de la pédagogie. Elle vient de publier une tribune signée par une trentaine de successions d’artistes dans laquelle elle rappelle l’obligation d’avoir l’accord de l’artiste pour toute utilisation de son œuvre, en l’espèce pour commercialiser des œuvres numériques certifiées par un NFT.

Les plateformes : premiers interlocuteurs à sensibiliser

Dans un second temps, l’ADAGP va entrer en dialogue avec les plateformes, à commencer par OpenSea, pour les inciter à proposer des licences d’utilisation qui respectent le droit d’auteur. « Ce n’est pas nouveau, se rappelle Marie-Anne Ferry-Fall, au début des années 2000, nous avions les mêmes soucis avec les réseaux Flickr ou Pinterest. »

Pourquoi s’adresser en premier aux plateformes ? Thierry Maillard indique que, s’il est possible à tout un chacun d’inscrire soi-même un NFT dans la blockchain, cela reste très technique de sorte que les plateformes sont les interlocuteurs prioritaires. Pour autant, il est aujourd’hui techniquement impossible de supprimer de la blockchain un NFT même litigieux. « Nous sommes en train d’évaluer les différentes options, comme les possibilités de “burn” du NFT (opération qui revient à mettre le NFT sur une sorte de voie de garage de la “blockchain”, ne permettant plus les transactions), mais le déréférencement sur les “market places” reste une arme forte. » La directrice de l’ADAGP évoque aussi la réglementation européenne : « Nous sommes aussi aidés par le droit. La directive européenne de 2019, qui oblige Instagram ou YouTube à s’assurer qu’il n’y a pas contrefaçon, le fameux article 17, pourrait s’appliquer aussi aux plateformes NFT. »

Il est difficile d’évaluer le préjudice économique subi par les artistes du fait de l’utilisation non autorisée de leurs œuvres dans des NFT. De même, nul ne peut prédire si les NFT ont un avenir, ou si le ou les métavers ne vont pas ouvrir un nouveau front.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°592 du 24 juin 2022, avec le titre suivant : L’ADAGP part à la chasse aux NFT pirates

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque