Foire & Salon

PARIS ART WEEK 2025 | La semaine de l'art contemporain : ART BASEL PARIS

L’art émergent, une denrée précieuse… et rare

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2025 - 856 mots

La foire a besoin de montrer « l’art en train de se faire ». Mais à quel prix pour les galeries ?

Paris. Situé à l’étage, sur les balcons en surplomb de la nef, le secteur « Émergence » d’Art Basel Paris réunit 16 jeunes galeries auxquelles il offre des conditions d’accès à la foire plus abordables et, pour certaines, une première occasion de montrer leurs artistes en France. C’est le cas de la Vardaxoglou Gallery (Londres), qui n’a pas l’intention de passer inaperçue : érigée sur son stand à la façon d’une stèle, une sculpture de Tanoa Sasraku de près de 5 mètres de haut réalisée avec du papier journal et des pigments minéraux, « convoqu[e] récits personnels et historiques » (Mascot, 2025). Autre nouvelle venue, la Blindspot Gallery (Hongkong) présente des œuvres en papier découpé de Xiyadie, artiste autodidacte chinois qui détourne une pratique artisanale en mode d’expression érotique [voir ill.]. Chaque stand est conçu comme un « solo », ce qui est favorable à la découverte d’un artiste. Même si tous ne sont pas totalement inconnus des visiteurs. On a déjà aperçu par exemple, chez Marcelle Alix à Paris, le travail de sculpture minimaliste et fragile d’Ethan Assouline, mis en avant ici par Gauli Zitter (Bruxelles, [voir ill.]).

Sweetwater (Berlin) propose pour sa part une installation d’Alexandre Khondji, dont la série « Triple Insert » figure actuellement dans l’exposition inaugurale du Nouveau Programme de la Fondation Pernod Ricard, « Sorry Sun », conçue par la commissaire Liberty Adrien. Si la Galerie Molitor (Berlin) fait ses débuts à Art Basel Paris, Dora Budor, dont elle montre des sculptures vidéo et des ready-made, a été remarquée lors de la 59e Biennale de Venise en 2022, mais aussi dans des expositions collectives en France, notamment au MoCo, à Montpellier en 2020. Autant de talents prometteurs…

Des œuvres plus difficiles à vendre

Cette section constitue aussi une passerelle vers le secteur principal, déjà empruntée par plusieurs galeries (Anne Barrault, Édouard Montassut, Sans titre…). La parisienne Exo Exo, qui avait beaucoup investi dans la confection de son stand en 2024 avec le carrousel vidéo de Lou Fauroux, tente sa chance une deuxième fois (c’est le maximum autorisé) avec des peintures d’Ash Love [voir ill.]. The Pill (Istanbul, Paris) avait été sélectionnée l’an dernier sur le secteur « Premise » (réservé aux présentations spéciales pouvant inclure des œuvres antérieures à 1900). C’est sur « Émergence » qu’elle promeut cette fois-ci les architectures textiles de Nefeli Papadimouli – artiste repérée par la galerie parisienne Dohyang Lee, absente de la foire.

Synonyme de nouveauté, la création émergente apporte un air frais indispensable au marché, mais en dehors du secteur qui lui est consacré, le visiteur en verra peu d’exemples à Art Basel Paris. Ici, entre un Wang Keping imposant et une toile conceptuelle de Martin Barré, figure une sculpture en céramique d’Antoine Renard chez Nathalie Obadia (Paris, Bruxelles). Là, une sculpture en verre et métal d’Hannah Levy, remarquée elle aussi à la 59e Biennale de Venise, est suspendue aux cimaises de Casey Kaplan (New York)… Les œuvres d’artistes en devenir sont rares, même si les tarifs affichés sont pour certains déjà assez élevés. Ainsi la 303 Gallery (New York) fait un peu de place à la jeune peintre Tanya Merrill, avec une toile de moyen format, The Pet, 2025, dont le prix dépasse 30 000 dollars (25 500 €).

« Pour une foire, il est important de donner accès à l’art en train de se faire, mais cela constitue une prise de risque pour les galeries, souligne Isabelle Alfonsi, cofondatrice de la galerie Marcelle Alix et experte “art émergent” auprès du comité de sélection. Rares sont celles qui vont par exemple montrer de la vidéo, parce que c’est très difficile à vendre dans ce contexte. Et dépenser 10 500 euros pour la location d’un espace (plus les coûts de déplacement pour les enseignes étrangères), cela pèse très lourd dans l’activité d’une jeune structure autofinancée. » Quant au secteur principal, on ne peut espérer y rentabiliser un stand en vendant des œuvres à des prix inférieurs à 20 000 euros. Les organisateurs ont bien conscience du problème, puisque les mesures prises pour la réduction des frais adoptées de façon rétroactive cette année passeront en 2026 à 25 % (pour les primo-exposants) et 15 % (pour ceux qui reviennent pour la deuxième année).« Il me semble que les galeries d’auteurs, très fragiles économiquement, sont de moins en moins nombreuses, déplore Marcelle Alix. Elles ont besoin d’être encouragées. »

Pourtant, nul doute que la vitrine d’une manifestation internationale telle qu’Art Basel Paris peut jouer le rôle de tremplin dans la carrière d’un artiste. Des peintres comme Nathanaëlle Herbelin ou Pol Taburet, dont les tableaux ont été très tôt montrés sur les foires, comptent aujourd’hui parmi les noms les plus recherchés sur le moteur de la plateforme de vente en ligne Artnet. « Il est très important de donner de la visibilité rapidement à nos jeunes artistes, abonde Philippe Charpentier, cofondateur de la galerie Mor Charpentier (et président du Comité professionnel des galeries d’art). Cette année, nous montrons des peintures de Malo Chapuy et de Sacha Cambier de Montravel. » Deux peintres en train de percer dont les toiles et les techniques s’inspirent de celles des maîtres du passé…

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : L’art émergent, une denrée précieuse… et rare

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