Galerie

Christophe Person se lance à l’assaut du marché de l’art africain contemporain

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 30 mai 2023 - 857 mots

La galerie tout récemment créée, est un témoignage supplémentaire du décollage d’un marché dont les contours restent flous.

Christophe Person inaugure sa sixième exposition depuis l’ouverture de sa galerie en décembre 2022, avec la série de photographies Tati, réalisée en 1997 par le camerounais Samuel Fosso (né en 1962), pour les 50 ans du célèbre magasin parisien. « Samuel Fosso est un visionnaire, assure le galeriste, un artiste mythique, pionnier de la scène africaine contemporaine qui a popularisé le thème du « Black Portrait » dont les très en vue M’barek Bouhchichi, Moufouli Bello ou Zanele Muholi sont les héritiers. C’est la première fois que la série d’autoportraits est montrée dans son intégralité dans un cadre commercial ». Pendant le vernissage, il a vendu deux photographies, Le Golfeur et La Bourgeoise au prix de 20 000 euros pièce. « Un très bon début » reconnaît-il. 

Il est vrai que ce marché naissant est depuis une dizaine d’années en plein essor partout dans le monde. Il a généré, selon Artprice, un chiffre d’affaires en ventes publiques de 63 millions de dollars en 2022, (en hausse de près de 35 % par rapport à 2021) soit 0,23 % du CA des ventes publiques (selon le rapport Clare McAndrew). 2 700 œuvres d’art d’artistes d’origine africaine ont été présentées aux enchères l’année dernière. 

Ce sont les Britanniques qui les premiers se sont vraiment intéressés à ce marché il y a une dizaine d’années. A l’époque, deux évènements majeurs se suivent à quelques mois d’intervalle. En 2013 ouvre la première édition du salon londonien 1-54 dédié à la scène africaine contemporaine. Premier salon à s’y consacrer, il triplera ses exposants en 3 ans. En avril 2014, la galerie Saatchi inaugure, toujours à Londres, « Pangaea », exposition qui tisse des liens entre artistes africains et latino-américains. On remarque alors un plasticien qui deviendra vite célèbre, l’ivoirien Aboudia. La reconnaissance institutionnelle mondiale fait ensuite un crochet par Venise. En 2015, le commissariat de la 56e biennale d’art contemporain est confié au poète, critique d’art et curateur nigérian Okwui Enwezor. Le prix de la biennale récompense le ghanéen El Anatsui (avec l’américaine Adrian Piper). 

En France, le salon AKAA (Also Known As Africa) fêtera ses sept ans au Carreau du Temple, à Paris, en octobre prochain. Le Brexit a été déterminant pour les acteurs du marché dans l’hexagone. Grâce à lui, Paris est devenue une des places fortes de l’art contemporain africain. En cinq ans, trois galeries importantes – Afrikaris en 2018, Mariane Ibrahim et Cécile Fakhoury en 2021, se sont installées dans la capitale pour soutenir l’offre des galeries historiques telles la Galerie Art-Z, créée en 2002 par Olivier Sultan.

Christophe Person n’est pas un nouveau venu dans le milieu. Après une carrière dans la finance, il a fondé en 2016 le département Art africain contemporain de la maison de ventes Piasa, puis a rejoint, en 2020, une autre maison de ventes parisienne, Artcurial. Sa galerie ambitionne de réaliser huit expositions par an. Elle se veut un lieu d’échanges qui accompagne les créateurs « Il faut encourager les artistes à interpréter les cosmogonies, les mythologies locales, difficiles à comprendre pour un public occidental analyse le galeriste Certaines œuvres sont très chargées, véhiculent des idées très dures, sur l’identité, la religion ou la question des genres par exemple. Il faudra se faire aider par des intellectuels africains, des philosophes et des critiques d’art pour créer du lien avec les collectionneurs. »

Des collectionneurs qui ont par ailleurs, des profils assez différents. Aux États-Unis, ils sont souvent issus de la communauté noire et aisée, soucieuse de retrouver ses racines, de réinventer une histoire commune avec l’Afrique sans passer nécessairement par le prisme de la déportation ou de l’esclavage. Pour le galeriste « Les acheteurs français ont entre trente et cinquante ans et ont fréquemment un lien direct avec l’Afrique : ils y ont des amis ou y ont travaillé. » Longtemps contraints d’utiliser des matériaux artisanaux, les artistes africains sont aujourd’hui invités en résidence en Europe ou en Amérique, et peuvent avoir accès à des moyens et du matériel qu’ils n’auraient pu obtenir sur le continent. La pérennité dans le temps des œuvres est mieux assurée. En revanche il y a encore peu de collectionneurs locaux, « Si la production est africaine, le marché est essentiellement occidental », concède Christophe Person.

Mais de quel art africain parle-ton ? On peut légitimement réfuter l’idée d’une forme d’homogénéité de la scène contemporaine africaine du Maghreb à l’Afrique du Sud en passant par le Moyen Orient. Il serait, en effet, beaucoup trop réducteur de parler d’un « style » ou des « styles africains », mais on peut convenir qu’il existe des thèmes qui sont analysés ou traités de façon récurrente par les artistes. Les sujets liés à l’identité, les migrations, les flux de biens et de personnes entre le Nord et le Sud, les inégalités et leurs conséquences sur l’environnement sont sans aucun doute plus présents et plus forts en Afrique. Beaucoup des créateurs qu’on englobe dans cet écosystème de l’art africain contemporain sont issus de la diaspora, partagés entre leurs racines africaines et leur quotidien dans les grandes villes européennes ou américaines. Leur connaissance physique des pays riches et des pays pauvres délivre une vision originale, énergique, intense. 

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