Zaha Hadid sur les bords de la Néris

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 3 février 2009 - 830 mots

L’architecte britannique d’origine irakienne a été choisie pour construire un musée à Vilnius. Il devrait réunir l’Ermitage et le Guggenheim.

À chacun son « Bilbao ». C’est sans doute, culturellement parlant, le projet le plus ambitieux pour Vilnius, Capitale européenne de la culture 2009, et en même temps le moins visible aujourd’hui : un nouveau musée imaginé par l’architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid, lequel devrait voir le jour en… 2013. L’idée a, en fait, germé en 2004, mais la municipalité a réellement pris les choses en mains deux ans plus tard en invitant les responsables de deux institutions culturelles phares étrangères – la Fondation Solomon R. Guggenheim, à New York, et le Musée national de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg – pour discuter des possibilités d’implantation d’un « projet commun  » [joint-project] dans la capitale lituanienne. Une fois les études de faisabilité lancées, trois maîtres d’œuvre de réputation internationale furent invités à participer au concours d’architecture : l’Italien Massimiliano Fuksas, l’Américain Daniel Libeskind et Zaha Hadid. C’est cette dernière qui, en avril 2008, a décroché la timbale, en l’occurrence : la construction de cet édifice de 13 000 m2. « Avec un tel intérêt envers l’art, Vilnius continuera à se développer comme un centre culturel où la relation entre culture et vie publique est exigeante. Ce musée sera un lieu dans lequel on pourra expérimenter des notions comme le mouvement ou la complexité spatiale », avait alors déclaré la gagnante.

Inspiré par les ondulations
Le programme sur lequel a travaillé l’agence Zaha Hadid Architects (ZHA) décrit trois entités principales : un espace dévolu au Musée de l’Ermitage, un deuxième pour la Fondation Guggenheim, enfin un troisième espace qui accueillera le Centre des arts visuels Jonas Mekas – ouvert fin 2007 dans un autre édifice de la capitale lituanienne – et son importante collection sur le mouvement Fluxus (photogrammes, ready-made, films, livres…). L’édifice est posé au bord de la rivière Néris. «     Sa forme tout en courbes a été inspirée par les ondulations du cours d’eau », explique Jens Borstelmann, l’un des deux architectes responsables du projet chez ZHA. Son socle sera réalisé en béton et sa façade, en aluminium brillant, reflètera son environnement. « Nous voulions que le bâtiment affiche une réelle porosité et avons donc étudié sa peau afin qu’elle soit la plus perméable possible », poursuit Borstelmann. D’où cette multitude de petites ouvertures, utilisées comme simples fenêtres ou pour des installations multimédias, ainsi que ces vastes parois de verre, ouvertes sur la ville. L’architecture obéit à trois notions : la fluidité (« C’est l’opposé d’un polygone avec des angles pointus, l’idée étant de poursuivre les lignes de bout en bout, non de les casser »), la vitesse (« Certes l’édifice est statique, mais sa forme dynamique donne l’illusion de créer un mouvement ») et la légèreté (« Même si le volume est haut et compact, plus on approche et plus sa forme se décroche du sol, il n’apparaît donc jamais lourd »). Au final, le musée ressemble « à un galet que la rivière aurait poli des années durant », assure Jens Borstelmann. Zaha Hadid, avait, elle, parlé d’« un objet flottant mystique qui défie apparemment la gravité ». Alleluia !

L’enjeu d’une telle construction se mesurera non seulement à l’échelle du bâtiment, mais aussi à celle de la ville. Car ce vaste terrain, jadis inondable, est en effet on ne peut plus central : « Cet emplacement stratégique servira à relier la partie sud de la ville et son centre ancien classé au Patrimoine mondial de l’Unesco à la partie nord de la ville où s’étendent la ville nouvelle et le quartier des affaires », observe Jens Borstelmann.

Un coût non divulgué
Si le maître d’ouvrage – la Ville – n’a pas rendu public le coût du projet, le quotidien The New York Times (édition du 12 juin 2008) a, lui, évoqué la somme de 117 millions de dollars (soit environ 90 millions d’euros). C’était en juin dernier, au moment où le projet de création d’un musée à Vilnius venait d’être officiellement entériné par le gouvernement d’alors. Ce dernier a été renversé lors des élections législatives de novembre 2008 et, spectre de la récession oblige, le nouveau Premier ministre, Andrius Kubilius, s’est lui, depuis, attelé à un « Plan de gestion de crise » (« Crisis Management Plan »).

Pour l’heure, ZHA est « en train de développer le projet », indique Jens Borstelmann. La Fondation Guggenheim, elle, n’a pas encore définitivement confirmé son intérêt pour l’espace qui lui est réservé (lire aussi le JdA n°283, 6 juin 2008). Enfin, présent aux cérémonies de clôture de Liverpool, Capitale européenne de la culture 2008, le maire de Vilnius, Juozas Imbrasas, a, lui, invité son collègue anglais Steve Rotherham à participer au Forum international des maires, à Vilnius, du 19 au 21 juin. Thème : « La culture comme moteur de développement d’une ville ». Une manière sans doute pour lui d’envoyer un signe fort en faveur de la construction dudit musée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°296 du 6 février 2009, avec le titre suivant : Zaha Hadid sur les bords de la Néris

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