Préhistoire

Fac-similé

Lascaux 4 veut dépasser la grotte originelle

Plus qu’une nouvelle réplique réussie de la grotte, le Centre international d’art pariétal veut offrir au public des animations variées qui enrichissent, avec plus ou moins de bonheur, l’expérience de la visite

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2017 - 935 mots

La nouvelle réplique de la célèbre grotte de Lascaux est maintenant ouverte après avoir été inaugurée par François Hollande. Ses concepteurs ont voulu aller au-delà d’un fac-similé qui est déjà une réussite et proposer au public un ensemble d’expériences autour de l’art pariétal. Si les intentions sont louables, les propositions ne sont pas toujours très heureuses.

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MONTIGNAC - Transformer un handicap en atout, tel est l’enjeu de « Lascaux 4 ». Puisqu’il est impossible d’ouvrir la grotte au public, et qu’il était devenu nécessaire de fermer les accès menant à la première réplique (Lascaux 2) créée en 1983, car trop proches de la grotte, le Département – propriétaire du site – a conçu un nouveau lieu qui dépasse le simple fac-similé pour s’inscrire dans une forme de réalité augmentée. De nombreuses animations ont été ajoutées afin que le public prolonge sa visite ; animations qui sont autant d’expériences différentes pour comprendre et apprécier les peintures pariétales.

Le bâtiment, conçu par l’agence norvégienne Snøhetta, est construit au pied de la colline boisée qui abrite la grotte originale. Malgré le mitage urbain, le paysage reste naturel, conférant à l’ensemble un goût d’authentique. L’édifice lui-même s’intègre à son environnement, cisaillant la colline telle une longue faille horizontale. Comme à l’opéra d’Oslo, dessiné par les mêmes architectes, le public peut se promener sur le toit ici en partie végétalisé.

Le fac-similé, réalisé par l’Atelier des fac-similés du Périgord, s’efforce de reproduire fidèlement les galeries, la paroi et les peintures. L’accès se fait à partir du toit du bâtiment duquel le visiteur descend lentement vers une zone semi-enterrée et recréant l’entrée de la grotte. Puis, ayant passé par un sas plongé dans l’obscurité pour accoutumer la vision, celui-ci se retrouve à quelques mètres de la salle des Taureaux. Lascaux 4 reproduit plus scrupuleusement que Lascaux 2 les galeries souterraines (Lascaux 3 désigne l’exposition itinérante à travers le monde). Et, de l’avis des spécialistes, ce nouveau fac-similé restitue mieux encore la réalité. Pour le visiteur, l’expérience est convaincante et l’on oublie très vite que l’on progresse dans une reconstitution.

« L’atelier de Lascaux »
C’est au sortir de la visite de la « grotte » que le Centre international de l’art pariétal (c’est ainsi qu’il se nomme) innove. Conscient que la visite du seul fac-similé, durant une trentaine de minutes, dans le cadre de petits groupes emmenés par des médiateurs, peut se révéler un peu courte pour qui a fait un long voyage pour venir à Montignac, il offre un prolongement riche et divers. La principale innovation réside dans une vaste salle (« L’atelier de Lascaux ») qui contient des extraits de la paroi, cette fois laissant apparaître l’armature qui les tient. Les panneaux qui reproduisent, à l’aide des mêmes techniques que celles utilisées pour le fac-similé, les principales peintures, permettent aux visiteurs de les observer à leur guise, grâce à une tablette tactile. Puis ils sont invités à se rendre dans un théâtre où, en trois actes et autant de salles, l’histoire de l’art pariétal est contée. Avant de s’asseoir dans un immense auditorium où, munis de lunettes 3D, ils visionnent un film sur les peintures de Lascaux et d’autres grottes. Enfin, comme pour cocher la case « art contemporain », mais sans grande conviction apparente, le centre comporte deux salles d’exposition présentant de l’art actuel inspiré de l’art pariétal.

Le parcours, conçu par Casson Mann, l’agence scénographique qui a réalisé celui de la nouvelle Cité du vin à Bordeaux, est manifestement inspiré de la gestion des flux dans les grands parcs de loisirs. Alors que Lascaux 2 accueillait environ 270 000 visiteurs, Lascaux 4 est dimensionné pour un minimum de 400 000 visiteurs par an, avec des pointes en saison. L’équipement est donc conçu pour faciliter la circulation d’un grand nombre de visiteurs. Ce qui est parfaitement compréhensible. Ce qui l’est moins, c’est la médiocrité des installations du théâtre, et la platitude du film projeté dans l’auditorium. De même, la tablette tactile confiée au visiteur  se révèle d’un maniement peu aisé. De manière générale, les séquences dans l’atelier ou le théâtre sont volontairement de courte durée, afin d’éviter que le public n’y séjourne trop longtemps, mais c’est au prix d’un appauvrissement du message. À 16 euros la visite individuelle, le public est en droit d’attendre mieux. Maturité aidant, ces péchés de jeunesse seront sans doute corrigés pour se mettre au niveau de l’équipement général dont il convient de souligner cependant  la grande réussite.

Un site rentable

Lancé officiellement en 2011 pour une ouverture à l’été 2015, le projet a connu diverses péripéties. Quelques semaines après son arrivée au ministère de la Culture, Aurélie Filippetti annonce en septembre 2012 le retrait financier de l’État, qui était alors de l’ordre de 17 millions d’euros. Mais quelques mois plus tard, face à la fronde des élus socialistes de la Région Aquitaine, elle fait machine arrière et décide d’accorder finalement 4 millions d’euros sur les 66 millions du projet, dont 6 sont affectés aux aménagements extérieurs. La diminution de la contribution de l’État n’a pas remis en cause Lascaux 4, tant la construction de cet équipement s’imposait. Le Département (30 M€), la Région (16,6 M€), l’Europe (12 M€) ont mis la main à la poche ainsi que des mécènes (1,5 M€). Une autre raison explique ce volontarisme. Le centre doit rapporter de l’argent, son exploitant, la société d’économie mixte Semitour, qui gère d’autres sites dans le Périgord, a même versé une avance de 2 millions d’euros. Lascaux 2, elle, reste ouverte, mais de façon restreinte, pour des groupes de seniors par exemple. Germinal Peiro, le président du Département, voudrait faire classer cette réplique.

Lascaux 4, Centre international de l’art pariétal

24290 Montignac, tél. 05 53 50 99 10, ouvert tous les jours, horaires variables selon les saisons, tarif plein 16 €, vente des billets en ligne sur www.lascaux.fr

Légende Photo :
Le site de Lascaux 4. © Photo : Journal des Arts.
Vue intérieure du site de Lascaux 4. © Photo : D. Nidos/Département 24.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Lascaux 4 veut dépasser la grotte originelle

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