Espagne - Art contemporain - Fondation

XXe siècle

Retourner à la terre avec Tàpies

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 28 février 2023 - 463 mots

BARCELONE / ESPAGNE

Sa fondation barcelonaise expose des œuvres faites de matériaux simples et d’éléments naturels.

Barcelone. La Fondation Antoni Tàpies consacre une exposition monographique à l’artiste avec plus d’une trentaine d’œuvres couvrant la période de 1958 à 1988, dont des peintures où coexistent différents matériaux, objets et vernis. Antoni Tàpies (1923-2012) faisait alors partie d’une génération d’artistes qui, à la fin des années 1950, cherchait de nouveaux moyens d’expression pour aborder la réalité.

L’exposition présente ces peintures « de matière », caractérisées par des surfaces opaques ressemblant à des murs, offrant des gammes limitées de couleurs dans lesquelles ressortent le gris, le marron et l’ocre. Les artistes sont depuis longtemps fascinés par les arts extra-occidentaux, dits alors « primitifs », dont Tàpies s’inspire pour ajouter à ses tableaux-assemblages des objets et matières nouvelles. Ses œuvres sont le résultat d’une manière « non industrielle, non conceptualisée ni rationalisée ». Dans l’assemblage Blanc et chaise (1987), il introduit deux morceaux de chaise, un élément souvent retrouvé dans son travail, qu’il utilise pour évoquer ces objets qu’il perçoit comme délaissés par la société.

Présence de signes symboliques
Des signes symboliques sont récurrents dans cette période de l’œuvre de Tàpies, comme la croix, dépeinte dans son Diptyque de vernis (1984) et sujet principal de sa toile Grand X avec graphismes (1979), croix qu’il perçoit comme un signe de mystère. Autre objet de mystère, le motif de la porte fermée a également la part belle dans son œuvre, ainsi dans Portes et flèches (1987), où elle « est couverte de rayures, comme si une personne avait tenté de l’ouvrir sans y parvenir », expliquait l’artiste à son sujet.

Les grands formats de ses toiles sont mis en valeur par les très hauts murs blancs et lumineux de la fondation et une scénographie épurée, qui en facilitent la contemplation, en accord avec les aspirations de l’artiste. Celui-ci, en utilisant la paille, la poussière et le bois, conférait à ces matériaux simples une dimension méditative, considérant ces éléments naturels comme porteurs de l’origine de la vie, soit « l’engrais qui fertilise la terre ». Le bleu, sujet principal des compositions Bleu emblématique (1971), Cadre de porte et bleu (1976) et Bleu et bambou (1973), renvoie à l’idée de l’eau et participe à cette unité des éléments naturels comme à ce sentiment de sérénité ressenti par le visiteur de l’exposition.

L’usage du vernis dans nombre des œuvres exposées est à souligner, particulièrement celles des années 1970, dans lesquelles il devient central, offrant des compositions très lumineuses. Tàpies emploie celui-ci à de nombreuses reprises pour suggérer la forme d’un corps, comme dans Ocre et taches bleues (1972) où des attributs physiques, récurrents dans son travail, ressurgissent. Bouche, oreilles et pieds dialoguent ainsi avec des objets de la vie quotidienne, ici un lit, ou avec des évocations d’éléments intangibles tels que la pluie ou les ombres.
 

L’adob que fecunda la terra, Tàpies (1958-1988)

Jusqu’au 23 avril, Fondation Antoni Tàpies, Arago 25, Barcelone, fundaciotapies.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : Retourner à la terre avec Tàpies

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