Mode

Made in France et ailleurs

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 10 février 2015 - 478 mots

Bousculant les clichés, le musée consacré à l’histoire de l’immigration met en lumière l’immense rôle des couturiers étrangers dans la mode française.

PARIS - Qui fut le créateur de la haute couture à Paris ? le styliste d’origine britannique Charles Frederick Worth (1825-1895). Qui inventa le plissé antiquisant dont raffolèrent des stars comme Sarah Bernhardt ou Isadora Duncan ? le créateur espagnol, vénitien d’adoption, Mariano Fortuny (1838-1874). Qui mit au point les zips en plastique et les chapeaux en forme de chaussure ? la couturière d’origine italienne Elsa Schiaparelli (1890-1973), l’amie de Picasso et de Dalí. Si l’on en croit l’exposition conçue par l’historien de la mode Olivier Saillard pour le Musée de l’histoire de l’immigration, nombreux furent les créateurs d’origine étrangère qui chahutèrent la haute couture parisienne et y distillèrent leurs inspirations et leurs talents.

Dessinant des affinités électives des modernes à l’égard des anciens, et télescopant les styles et les influences (les robes de la créatrice anglaise Vivienne Westwood lorgnent du côté du XVIIIe siècle, l’école belge rejoint l’épure minimaliste de l’avant-garde japonaise), le parcours offre un formidable kaléidoscope de couleurs et de textures. C’est aussi un vibrant plaidoyer pour la reconnaissance de ces apports étrangers qui ont su revivifier une haute couture que l’on a longtemps crue exclusivement « parisienne ». Ainsi, qu’aurait été la mode française sans ces petites mains et ces créateurs qui fuirent les fracas de l’Histoire et le chaos des révolutions ? Chassés de Russie en 1917, le prince Félix et son épouse Irina Youssoupoff fondent en 1924 à Paris la maison Irfé, tandis que Natalia Gontcharova réalise ses premières expérimentations textiles pour la firme Myrbor. Fuyant la guerre civile espagnole de 1936, Cristóbal Balenciaga pose ses bagages à l’Elysées Hôtel où il dessine sa première collection parisienne aux accents ibériques : le succès sera très grand pour ce génie que Christian Dior nommera, lui-même, « notre maître à tous ».

Sources multiples
Un autre Espagnol va bousculer la mode parisienne dès 1965 : le tempétueux et iconoclaste Paco Rabanne. Ce fils d’un militaire républicain fusillé par les troupes franquistes révolutionne ainsi la haute couture en créant des robes de plastique, de métal et de cuir découpé. Du Japonais Yohji Yamamoto (adepte du « luxe pauvre ») au Tunisien Azzedine Alaïa (qui affirme que la plus belle décoration qu’il ait reçue est sa carte de naturalisation), les multiples sources irriguant la mode française sont loin d’être taries. Seul regret, mais il est de taille : l’absence des couturiers africains, dont le styliste malien Xuly Bët, incarné par Forest Whitaker dans le film Prêt-à-porter de Robert Altman (1994).

Fashion Mix

Commissariat : Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera ; Aude Pessey-Lux, directrice du service Musée au Musée de l’histoire de l’immigration ; Isabelle Renard, responsable de l’art contemporain au Musée
Nombre d’œuvres : 120 modèles, 150 documents d’archives
Scénographie : Agence Jean-Julien Simonot

Fashion Mix, Mode d’ici, créateurs d’ailleurs, jusqu’au 31 mai, Musée de l’histoire de l’immigration-Palais de la porte Dorée, 293, av. Daumesnil, 75012 Paris. www.histoire-immigration.fr, du mardi au vendredi 10h-17h30, samedi-dimanche 10h-19h, entrée 6 €. Catalogue, coéd. Musée/Flammarion, 192 p., 35 €.

Légende photo
Elsa Schiaparelli, Chapeau-chaussure, hiver 1937-1938, feutre noir, collection Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. © Photo : Eric Emo/Galliera/Roger-Viollet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°429 du 13 février 2015, avec le titre suivant : Made in France et ailleurs

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