Art moderne

Mystique

Le printemps selon Maurice Denis

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 22 mai 2012 - 681 mots

Autour de l’Éternel Printemps, ensemble de dix panneaux réalisés pour orner le salon d’un particulier, le Musée des impressionnismes de Giverny se penche sur l’œuvre décoratif de Maurice Denis. Le Nabi y affiche sa vision des célébrations religieuses.

GIVERNY (EURE) - Catholique fervent, Maurice Denis avait trouvé dans la religion un sujet aussi inépuisable que satisfaisant sur le plan moral et spirituel. Tel un peintre florentin de la Renaissance, à la différence qu’il ne travaillait pas seulement sur commande, Denis puisait dans la Bible une foule de scènes pieuses qu’il remodelait et arrangeait selon ses envies dans un cadre purement décoratif. À Giverny, la spécialiste du peintre, Fabienne Stahl, et l’attachée de conservation du musée, Vanessa Lecomte, se sont penchées sur ce pan important de l’œuvre du « nabi aux belles icônes » : la peinture décorative aux accents mystiques. Autre particularité chez Denis : il fait de la nature qui l’entoure le décor de ses tableaux. Sa peinture suit le rythme des saisons et ses lieux de villégiature – hiver en Italie, printemps dans les Yvelines, été en Bretagne… À Giverny, l’étude se concentre sur le printemps, et toute la symbolique de renaissance qui en découle. Un thème adéquat s’il en est, puisque le Musée des impressionnismes sort lui aussi de son long sommeil d’hiver correspondant à ses cinq mois de fermeture annuelle.

La renaissance nabi
Le parcours de l’exposition a cela d’intéressant que les trois actes qui le forment correspondent à trois niveaux de lecture de l’œuvre de Denis. Tout d’abord la toile de fond : la forêt de Saint-Germain-en-Laye, dans laquelle le peintre aimait se promener lorsqu’il séjournait dans la demeure familiale du Prieuré à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), aujourd’hui convertie en musée départemental. Le décor est idéal : la forêt est par essence un lieu mystique, et les arbres alignés à perte de vue sont autant d’outils de fragmentation de la composition. La saison est également prétexte à une palette douce et éclatante à la fois, typique du réveil de la nature – le vert tendre des jeunes pousses, le blanc des arbres fruitiers en fleurs et des tapis de fleurs des sous-bois, ou encore le vieux rose qui émane des paysages de l’Île-de-France aux premières lueurs du jour.
Le printemps, ensuite, correspond à une période de célébrations religieuses liées à la résurrection du Christ. Après la dernière ligne droite du carême et la souffrance de la passion, Pâques célèbre la renaissance du Christ et son accès à la vie éternelle. Autre événement du calendrier, celui de l’Annonciation, rebaptisée le Mystère chrétien par les soins du peintre nabi. Devant quatre des six versions présentées à Giverny, la dette de Denis envers la tradition de la fresque religieuse du Quattrocento à Florence est d’autant plus appréciable. Le printemps est a fortiori la saison des amours et des mariages. Les jeunes vierges sur le point d’être mariées pullulent presqu’autant que les colombes sur les murs du Musée des impressionnismes.

Troisième acte enfin, L’Éternel printemps, exquis décor réalisé pour l’homme d’affaires Gabriel Thomas, fondateur du Musée Grévin auquel l’exposition doit son titre. Faute d’avoir pu recréer le décor original de boiseries de la villa Les Capucins autrefois logée sur les hauteurs de Meudon (cette mission est laissée au Musée départemental Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye), l’ordre des dix panneaux suit celui que leur avait donné Denis lors de leur présentation au Salon de la Société nationale des beaux-arts en avril 1908. L’accrochage sur fond bleu et l’éclairage travaillé donnent toute sa splendeur au décor. Autre bijou à signaler dans cette sélection réunie grâce à la contribution majeure du Musée de Saint-Germain-en-Laye et des héritiers du peintre : la frise exécutée pour décorer sa propre chambre à coucher. Avant la création du cinéma en couleur, Maurice Denis invente la « nuit américaine ». Les panneaux horizontaux offrent une vision apaisée et stylisée de la nature de nuit, en déclinant bleus profonds, blancs et gris. Un décor de rêve.

Maurice Denis

- Commissaires : Fabienne Stahl, coresponsable du catalogue raisonné de l’œuvre de Maurice Denis ; Vanessa Lecomte, attachée de conservation, Musée des impressionnismes Giverny.

MAURICE DENIS. L’ÉTERNEL PRINTEMPS, jusqu’au 15 juillet, Musée des impressionnismes, 99, rue Claude Monet, 27620 Giverny, tél. 02 32 51 94 65, www.mdig.fr, tlj 10h-18h, gratuit le premier dimanche du mois. Catalogue, coéd. musée et Hazan, 152 p., 29,50 euros, ISBN 978 2 7541 0638 2

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Le printemps selon Maurice Denis

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