Photographie

La photographie de guerre sous deux angles

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2022 - 705 mots

PARIS

À Paris, le Musée de l’Armée retrace les usages de la photographie de guerre dans le temps, tandis que le Musée de la Libération expose huit de ses figures féminines, présentes à partir de la deuxième moitié du XXe siècle dans les zones de conflit.

Paris. Alors que la guerre en Ukraine sévit et que chaque jour apporte son lot d’images effroyables du conflit, deux expositions à Paris abordent la photographie de guerre sous des angles très différents l’une de l’autre. Au Musée de l’Armée, c’est l’histoire des images de guerre, de leurs usages et expressions visuelles que retrace « Photographies en guerre », ce depuis les premières images connues. Pour l’écrire, le musée a constitué un conseil scientifique présidé par l’historienne Françoise Denoyelle ; il mène aussi depuis plus d’une dizaine d’années une politique d’acquisitions particulièrement active, notamment sur la partie contemporaine, afin de compléter ses collections exceptionnelles. La mise en valeur de ces fonds largement méconnus est par ailleurs l’un des atouts de l’exposition.

Au Musée de la Libération de Paris – Musée du Général-Leclerc – Musée Jean-Moulin, « Femmes photographes de guerre » se situe sur un tout autre registre. Le Kunstpalast de Düsseldorf est à l’origine de cette exposition itinérante sur huit femmes photographes de guerre dont trois Françaises de même génération : Catherine Leroy (1944-2006), Françoise Demulder (1947-2008) et Christine Spengler (née en 1945). L’itinéraire de chacune est narré à travers le récit des conflits des XXe et XXIe siècles : de la guerre d’Espagne à celles du Vietnam, du Nigeria et d’Afghanistan. De Gerda Taro (1910-1937) et Lee Miller (1907-1977) à Anja Niedringhaus, tuée à 49 ans en Afghanistan, ou Carolyn Cole (née en 1964), correspondante de guerre pendant plus de vingt ans pour le Los Angeles Times, les photographies emblématiques de leurs reportages respectifs et celles moins connues sont mises en regard des publications dont ces images ont fait l’objet. En creux également, la présence croissante des femmes photographes dans les zones de conflit. À celles et ceux qui seraient tentés de voir dans leurs photographies un traitement du conflit différent de celui de leurs homologues masculins, Christine Spengler rappelle que « le regard féminin n’existe pas ».

L’image iconique

Au Musée de l’armée, on ne retrouve que Lee Miller et Gerda Taro : les grandes figures de la photographie de guerre ne sont pas le propos de l’exposition, bien que soient présentés des portraits de Roger Fenton réalisés durant la guerre de Crimée (1853-1856), des images de la guerre d’Espagne par Robert Capa ou de la guerre en Syrie par David Seymour et Laurent Van der Stockt. L’exposition s’intéresse à l’évolution des usages, à son contexte de production, et à sa diffusion et réception sur près de deux siècles.

Du siège de Rome en 1849 à la guerre en Syrie et dans le Donbass de ces dernières décennies, chacune des sections (dix au total) avance sur ces trois axes en même temps sans perdre son lecteur et avec deux constantes : l’incise de créations contemporaines d’auteurs aussi différents dans leurs approches que Sophie Ristelhueber, Émeric Lhuisset, Édouard Elias, Richard Mosse ou Laura Sartorio, et la question de la fabrique de l’icône. Contrairement à la guerre d’Espagne, la Première Guerre mondiale, il est vrai très antérieure, n’a produit aucune image iconique. L’exposition en propose une à partir d’une image extraite de Verdun, visions d’histoire, film muet réalisé en 1928 par Léon Poirier. On peut douter de sa pertinence ici, comme on est sceptique face à l’inclusion dans le parcours des attentats de 2015 à Paris, qui vient brouiller le propos. Ce dernier prend soin pourtant de bout en bout d’aborder tant les grands conflits des XIXe et du XXe siècles que les guerres de colonisation et décolonisation avec des photographies ou documents inédits riches en enseignements. À l’exemple de ces vues stéréoscopiques datées de 1859 par le Français Jules Couppier : elles montrent des cadavres français et autrichiens entassés dans le cimetière lors de la deuxième guerre d’indépendance italienne, une des rares images de cette époque qui rende visible de manière aussi crue la mort. À l’exemple encore de ces photographies de Joseph Kuhn, lequel, pour échapper à son incorporation dans la Wehrmacht, se cacha et documenta sa réclusion d’octobre 1942 à novembre 1944.

Photographies en guerre,
jusqu’au 24 juillet, Musée de l’armée, hôtel des Invalides, 129, rue de Grenelle, 75007 Paris.
Femmes photographes de guerre,
jusqu’au 31 décembre, Musée de la Libération de Paris – Musée du Général-Leclerc – Musée Jean Moulin, 4, av. du Colonel-Rol-Tanguy, 75014 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°587 du 15 avril 2022, avec le titre suivant : La photographie de guerre sous deux angles

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque