Espagne - Art ancien

XVIIIE SIÈCLE

La Barcelone de 1700 mise au jour

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 15 juin 2023 - 614 mots

BARCELONE / ESPAGNE

Le Centre culturel du Born expose des objets retraçant l’histoire méconnue de la cité catalane.

Vue de l'exposition Barcelona 1700. De les pedres a les persones à El Born Centre de cultura i memoria, Barcelone. © Pere Virgili
Vue de l'exposition « Barcelona 1700. De les pedres a les persones » à El Born Centre de cultura i memoria, Barcelone.
© Pere Virgili

Barcelone. Situé dans l’ancien marché du Born inauguré en 1876 en plein centre de Barcelone, le Born Centre de cultura i memòria se caractérise par son remarquable site archéologique, ouvert au public. Au sous-sol, les vestiges du tracé des rues et des maisons du quartier de la Vilanova del Mar racontent la vie de ses habitants et les conséquences du siège de 1714, la dernière bataille de la guerre de Succession, sur la société de l’époque. L’exposition « Barcelone 1700. Des pierres aux personnes » complète le récit laissé par les vestiges par la présentation de nombreux objets inédits retrouvés sur site et d’importantes archives.

L’exposition s’ouvre sur une scénographie épurée, sous une lumière tamisée mettant en valeur les objets anciens. Dès l’entrée, l’abondance de plats, assiettes, bols, tasses, pichets en porcelaine blanche et bleue laisse deviner l’histoire de la Barcelone commerçante des années 1700, marquée par le goût des Européens pour les chinoiseries. Face aux prix particulièrement élevés des porcelaines asiatiques, mais également de celles provenant d’Italie et de France, de nombreuses copies ont transité sur le marché barcelonais, fabriquées par les artisans catalans, notamment basés dans la ville voisine de Mataró. Plaque tournante du commerce international du fait de sa position maritime stratégique, la ville de Barcelone était le centre névralgique de l’économie catalane.

Un site archéologique unique en Europe

Plusieurs carreaux de céramique peints, présentés comme archives documentaires, évoquent la vie des habitants du quartier du Born. Des représentations de fêtes, de scènes de danse et de consommation de chocolat chaud, boisson particulièrement prisée des Barcelonais au XVIIIe siècle, traduisent l’ambiance joviale qui régnait alors dans cette plus ancienne partie de la ville, nommée Ciutat Viella ; s’y côtoyaient à la fois la haute société, le clergé et les classes moyennes, composées des marchands, artisans, pêcheurs.

De nombreux objets présentés soulignent la tendance au paraître, inspirée de la mode française alors récemment importée en Espagne. Les vêtements étaient colorés, ornés de boutons, boutons de manchette, crochets, ficelles, des éléments parfois nécessaires, d’autres fois ayant seulement une fonction esthétique. Les archives relatent qu’une quarantaine de perruquiers s’étaient installés à Barcelone au début du XVIIIe siècle ; dans le même temps, la mode du parfum s’est largement répandue, les habitants portant leurs fragrances dans divers accessoires allant de boucles d’oreilles parfumées et chapelets à de petits récipients à porter sur soi. Des exemplaires en sont présentés dans l’exposition.

Destinés à fumer le tabac, à boire du chocolat ou du café, les différents objets utilitaires exposés racontent pour leur part l’histoire coloniale de l’Espagne. Les coutumes des locaux sont extrêmement documentées, avec plus de 2 000 objets répertoriés sur le site. Les données archéologiques du site ont été complétées par des documents notariaux, décrivant les maisons détruites et les noms des familles les occupant, ce qui permet au Centre du Born de retracer avec précision une époque effacée par la guerre.

La guerre espagnole de Succession, opposant entre 1691 et 1714 les Habsbourg d’Autriche aux Bourbons français menés par Philippe V, duc d’Anjou, a conduit à la destruction d’une surface construite de plus de 295 000 m2, pour édifier la forteresse militaire de la citadelle et son esplanade. Élevé en 1868 sur les ruines, l’édifice actuel de l’ancien marché du Born était l’un des premiers à se doter, en Europe, d’une architecture métallique. C’est seulement en 1998 que des analyses archéologiques du site ont pu être menées, conduisant aux premières excavations dès 2001.

Témoins de la Barcelone de 1700, les vestiges découverts sous le marché du Born s’étendent sur 8 000 m2 et constituent un site archéologique moderne unique en Europe, par ses dimensions et son état de conservation.

Barcelone 1700. Des pierres aux personnes,
jusqu’au 31 décembre, El Born Centre de cultura i memòria, plaça comercial 12, Barcelone.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°613 du 9 juin 2023, avec le titre suivant : La Barcelone de 1700 mise au jour

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