Espagne - Politique culturelle

Barcelone retrouve son rang de co-capitale culturelle espagnole

Par Julie Goy, correspondante en Espagne · Le Journal des Arts

Le 13 janvier 2023 - 788 mots

BARCELONE / ESPAGNE

Madrid veut mettre fin à dix ans de conflits liés à la crise indépendantiste en attribuant cette distinction – et les financements qui vont avec – à la capitale catalane.

Le Musée national d'art catalan à Barcelone. © Juanedc, 2013, CC BY 2.0
Le Musée national d'art catalan à Barcelone.
Photo Juanedc, 2013

Espagne. À Madrid, le gouvernement espagnol veut réchauffer sa collaboration culturelle avec Barcelone, après dix ans de crise indépendantiste catalane. 20 millions d’euros ont été puisés dans les budgets de l’État en 2022 pour le développement culturel et scientifique de Barcelone à l’international. Au total, trente-sept institutions bénéficieront de ce financement d’ici décembre 2024.

La capitale catalane avait déjà obtenu le statut de co-capitale culturelle d’Espagne, avec Madrid, entre 2006 et 2011, mais l’avait perdu à cause des conflits internes générés par les revendications indépendantistes, qui ont agité la Catalogne depuis 2012. L’accord de co-capitalité avait été conclu sous le mandat de Jordi Hereu, maire de Barcelone de 2006 à 2011, en s’appuyant sur la charte municipale de Barcelone et sur la loi relative aux grandes villes d’Espagne, qui vise à doter d’un statut spécifique les communes de grande population. Barcelone avait alors bénéficié d’une aide annuelle d’environ 20 millions d’euros sur six ans, destiné à financer des activités culturelles et scientifiques de portée internationale. Parmi les principales institutions culturelles bénéficiaires, figuraient notamment le Musée national d’art de Catalogne (3,6 M€, voir ill.) et le Musée Picasso (2,2 M€).

Dix ans de conflits entre l’État et la Catalogne

L’arrivée de Mariano Rajoy (de 2011 à 2018) à la tête d’une Espagne en crise économique a marqué la fin d’une bonne collaboration culturelle entre Madrid et Barcelone, l’accord de co-capitalité n’ayant pas été reconduit par le nouveau ministre de la Culture, le nationaliste José Ignacio Wert, malgré la proposition de prêt de 10 millions d’euros avancée par la Mairie de Barcelone. Attisé par la crise économique, le processus souverainiste de Catalogne a pris corps à partir de 2012, porté par une partie de la population catalane réclamant l’indépendance et l’autodétermination de la Communauté autonome. Dans ce contexte, le maire de Barcelone, Xavier Trias (de 2011 à 2015), n’a pas réclamé le versement des aides financières de l’État, qui plaçaient la ville dans un état de dépendance vis-à-vis de l’Espagne. En 2014, Xavier Trias avait même qualifié de « ridicule » le pari sur la co-capitalité culturelle avancée par le candidat à la municipalité, le socialiste Jaume Collboni.

En 2017, Barcelone a sollicité la relance de l’accord. Nommé alors maire adjoint à la culture, Jaume Collboni l’a demandé la même année au Parti Populaire, mais sans succès. Ce n’est qu’en 2020 que l’accord a été rétabli, après une relance réalisée par un certain Manuel Valls et signée par la maire de Barcelone, Ada Colau. L’initiative a été soutenue par la plupart des partis politiques de Catalogne, à l’exception de la Junts per Catalunya, le parti indépendantiste espagnol, qui s’est opposé à la reprise du versement de cette aide d’État. Le Premier ministre Pedro Sánchez évoquait ces dix dernières années de conflits entre l’État espagnol et la Catalogne indépendantiste comme un « énorme échec collectif », allant jusqu’à qualifier cet accord de symbole de « co-leadership » important entre Madrid et Barcelone.

Un budget bien supérieur pour Madrid

L’investissement financier de l’État est néanmoins moindre comparé à la période 2006-2011. Les budgets accordés à Barcelone s’étaient élevés à 25 millions d’euros en 2010, tandis que l’accord actuel prévoit, pour le moment, un unique versement de 20 millions d’euros pour deux ans, jusqu’en décembre 2024, dont 17,5 millions d’euros seulement seront dévolus aux institutions culturelles, les 2,5 millions d’euros restants étant destinés aux institutions scientifiques.

Le budget accordé à la culture barcelonaise doit néanmoins être relativisé : le budget total alloué par l’État à la culture en 2023 s’élève à 836 millions d’euros (seulement 0,26 % du PIB espagnol), les 20 millions d’euros versés à la Ville ne représentent que 2,4 % du budget culturel espagnol. Le budget attribué à Madrid reste bien plus conséquent : 171 millions d’euros (20,4 % du budget culturel espagnol) étant accordés à la culture madrilène pour 2023.

Parmi les trente-sept institutions bénéficiaires, les principaux musées concernés sont le Musée Picasso (1,5 M€) qui possède plus de 4 300 œuvres du peintre, le Musée national d’art de Catalogne (1,5 M€) très renommé pour sa collection d’art roman, l’une des plus complètes au monde, et le Musée d’art contemporain de Barcelone (1,2 M€).

L’accord couvre également la création et le spectacle vivant avec un financement important accordé à l’Institut de culture de Barcelone (5,6 M€) dont la mission est de promouvoir la vie culturelle de la ville, aux programmes de bourses culturelles (1,1 M€) et à la réalisation d’activités culturelles au Centre d’art La Virreina Image Center, au Centre d’art contemporain de Barcelone Fabra i Coarts et au Musée La Capella, consacré à la création émergente (1,2 M€).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Barcelone retrouve son rang de co-capitale culturelle espagnole

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