Art contemporain

Chaumont-sur-Loire, le domaine de l’art

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 21 juillet 2020 - 811 mots

CHAUMONT-SUR-LOIRE

Une quinzaine de nouvelles œuvres et autant d’artistes ont pris leur « juste place » dans les galeries du château, ses dépendances ou le parc.

Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Depuis qu’elle a lancé la Saison d’art à Chaumont au printemps 2008 (parallèlement au Festival international des jardins), Chantal Colleu-Dumond, la directrice du Domaine et commissaire des expositions, a toujours revendiqué son désir de montrer chaque année, parmi la quinzaine de sélectionnés, aussi bien des artistes renommés que des noms peu connus ; sans oublier un coup de projecteur sur des artistes qui ont connu leur heure de gloire avant d’être aujourd’hui moins en vue. Elle a ainsi eu la bonne idée, pour cette 12e édition de la manifestation, de présenter des œuvres d’Axel Cassel (décédé en 2015 à l’âge de 60 ans). Sa présence est en effet d’autant plus judicieuse que, durant toute sa carrière, le sculteur a fait de la nature un terrain d’art et le chemin initiateur de ses différentes séries qui ont pris leur point de départ dans l’univers végétal. Après avoir sculpté ses formes en bois, en bronze ou en terre, il les surmontait systématiquement d’une petite tête stylisée, pour donner figure et allure humaine à une branche, une grume de bois, une graine en forme de coupelle, une cosse, une liane… Magnifique manière d’humaniser la nature.

La quinzaine d’œuvres, regroupées ici sous la forme d’une mini-forêt dans les grandes écuries, trouve parfaitement son écrin puisque les têtes de ses figures rappellent les pommeaux en laiton de la salle et que la tonalité des patines évoque celle des boiseries. Un peu plus loin, la galerie haute de l’asinerie présente des œuvres de la série « Volutes et fumées », l’une de ses dernières, datée de 2013, qui montre la volonté de Cassel d’immobiliser l’insaisissable et de matérialiser en bronze l’aspect fugitif, volatil, aérien d’un nuage ou de spirales de vapeur.

Au rayon découvertes, bonne pioche a été faite cette année avec Isa Barbier et Sophie Lavaux. Dans l’office du château, la première a suspendu à des fils quasi imperceptibles quelque 6 500 plumes d’oie et de goéland qui frémissent au moindre courant d’air pour dessiner dans l’espace de légères ondulations. Entre faisceau de virgules, vaisseau fantôme et conte de fées. Sophie Lavaux, elle, a installé dans les tours de Diane et du Roi des sortes de couronnes en porcelaine blanche, comme des coraux, qu’elle a disposées sur des miroirs pour conjuguer formes naturelles et reflets d’architecture.

Les paysages de Philippe Cognée

Dans la catégorie des artistes reconnus, Philippe Cognée, installé dans les huit galeries des ailes sud et ouest du château, occupe une place de… roi. Il présente en effet une quarantaine de tableaux de paysage. Depuis les premiers datés de 1991 jusqu’aux plus récents, de 2020, la sélection rappelle à quel point ce thème est récurrent dans son travail. À la manière d’un beau travelling, elle fait défiler toutes sortes de paysages, certains comme aperçus de la fenêtre d’un train, d’autres pleins de broussailles, d’autres encore dominés par les splendides jaunes de champs de colza.

Joël Andrianomearisoa, qui représentait le premier pavillon de Madagascar à la dernière Biennale de Venise, en 2019, reprend et décline dans la galerie basse du fenil son installation I have forgotten the night, forêt labyrinthique de grand lais de papiers noirs. Il prolonge joliment cette nuit jusqu’au grand jour (dans les galeries de la cour Agnès-Varda) avec cette fois des papiers blancs, non sans être passé par d’autres étapes du jour, de l’aube au crépuscule, avec une grande maîtrise dans le propos. Pascal Convert a lui fait le choix des souches et des livres. Intitulées Ceux de 14, les souches, récupérées de la Grande Guerre et recouvertes d’encre de Chine, sont disposées avec justesse dans le parc historique. Quant aux livres, ceux en verre qu’il cristallise par le feu, ils sont classés dans la bibliothèque de feu la princesse de Broglie, une pièce qui avait été elle-même détruite par un incendie en 1957. Comme si les deux ensembles faisaient depuis toujours partie des meubles de Chaumont, illustrant en cela parfaitement le « concept de la juste place » prôné par Chantal Colleu-Dumond.

Habitué des lieux puisque déjà invité deux fois, en 2012 et 2016, Giuseppe Penone expose dans le vestibule du château Respirer l’ombre, une sculpture évoquant un corps constitué de feuilles de châtaignier en bronze dont les poumons sont composés des mêmes feuilles dorées à l’or fin. Cette lumière intérieure habite également Tra, une importante sculpture en bronze, de Penone toujours, placée, en guise d’accueil lorsqu’on arrive et en point d’orgue lorsqu’on repart, à l’entrée de la cour de la ferme. L’œuvre figure un tronc d’arbre brisé en deux, les deux pans de la déchirure étant recouverts de feuilles d’or. Présentés à l’horizontale, les deux morceaux de tronc, tels deux cercueils, sont portés par des branches. Une façon peut-être de rappeler que le monde est tombé cul par-dessus tête.

Saison d’art 2020,
jusqu’au 1er novembre, Domaine de Chaumont- sur-Loire, Centre d’arts et de nature, 41150 Chaumont-sur-Loire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : Chaumont-sur-Loire, le domaine de l’art

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