La « S » Grand Atelier déploie au BPS 22 ses créations réalisées collectivement par des artistes en situation de handicap.

Charleroi (Belgique). La « S » Grand Atelier est un lieu très particulier. Niché à Vielsalm dans une ancienne caserne en bordure de la forêt ardennaise, ce centre d’art brut et contemporain est un lieu d’échanges et d’expérimentations comme il en existe peu dans le monde. Fondé en 1992 pour accueillir des artistes en situation de handicap, il s’est donné, dès le départ, un haut niveau d’exigence plastique et artistique, à mille lieues de l’art-thérapie ou de l’activité occupationnelle. Depuis les années 2000, des artistes contemporains y sont invités pour un travail de co-création avec les résidents ; les disciplines y sont réinterprétées, les codes, rejoués. Le travail de décloisonnement de la « S » Grand Atelier commence à porter ses fruits puisque les œuvres de ses artistes sont montrées dans de grandes expositions ou acquises par des institutions comme le Centre Pompidou. Exposer dans un lieu d’art contemporain est « un combat politique qui contribue à la “désinvisibilisation” de ces artistes au-delà d’une posture marginale et folklorique, sans pour autant les faire entrer dans les normes », estime Anne-Françoise Rouche, fondatrice de l’Atelier.
La BPS22 présente « Novê Salm », une exposition généreuse où dessin, peinture, design textile, céramique et vidéo rivalisent de couleurs, de matières et de formes pour créer un monde où l’on rêve, où l’on a peur, où l’on aime, où l’on chante, où l’on rit, où l’on mange, où l’on fait la course dans des bolides et où l’on visite d’autres planètes. Le territoire exploré s’ouvre par celui de la forêt qui jouxte le centre où de nombreux artistes aiment s’aventurer. Nombre d’œuvres de la « S » sont des créations collectives qui déconstruisent le fantasme de l’artiste brut isolé dans une pratique obsessionnelle, ainsi de la poétique serre en verre et ses panneaux décorés d’un panthéon de personnages imaginés par Irène Gérard et Michiel De Jaeger, ou de la série d’images photographiques, vibrantes et irréelles, réalisées dans la forêt par Sébastien Delahaye, Barbara Massart et le collectif Effet Miroir.
Pendant près de deux ans, Violaine Lochu a collaboré avec quatre artistes de La « S » dont l’usage d’une langue normée est réduit. Avec eux, elle a cherché à inventer des modes de communication où voix, corps, et dessin se rencontrent. La grande halle fait office de place publique du village rêvé de « Novê Salm » avec sa fontaine en céramique et sa statue de Johnny. Au plafond pendent les sculptures aériennes en papier de Nicolas Chuard, inspirées des dessins de Marcel Schmitz. Sur une grande table, des mets, des plats et des couverts en céramique réalisés collectivement en souvenir d’un banquet carnavalesque sur les pelouses de La « S » Grand Atelier.
Le plaisir que l’on peut ressentir au cours de cette promenade dans ce village tient sans doute aussi à l’absence de discours théorique. C’est l’expression brute de la vie.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : À Charleroi, un village de l’art brut





