La S, territoire créatif

Anne-Françoise Rouche, la directrice de ce lieu situé à Vielsalm, dans l’Ardenne belge, souligne d’emblée la familiarité de leurs approches en faveur d’une création, « engagée, collaborative et de qualité ». Logé dans une ancienne caserne au milieu d’un no man’s land culturel, l’espace qu’elle dirige depuis près de trente ans affiche en effet une singularité forte : il accueille en résidence permanente des artistes porteurs de handicaps mentaux. On n’y fait pas pour autant d’art thérapie. La S est bien un lieu d’expérimentation et un centre d’art, qui convie des artistes contemporains à collaborer avec d’autres artistes, non pour les guider, mais pour œuvrer ensemble. L’immense qualité des pièces rassemblées au Miam confirme la justesse de ce pari : sous un titre un peu trompeur (aucune pièce ne mobilise à proprement parler la réalité augmentée), l’exposition articule une large variété d’approches et de médiums, de la gravure à la performance, de l’édition au cinéma d’animation. Au gré des différents chapitres du parcours, s’esquissent plusieurs fils conducteurs. Premier d’entre eux : la création de narrations via l’édition graphique, la bande dessinée, le cinéma d’animation, la photographie, mais aussi le numérique, qui trône en bonne place au premier étage. En filigrane, ces récits décrivent aussi un territoire géographique, social et affectif marqué par la guerre, la pauvreté et la religion, mais « augmenté », donc, de toute l’effervescence créative de la S. À cet égard, les démarches rassemblées au Miam sont tout sauf modestes. Elles témoignent au contraire d’une ambition un peu folle, un peu punk, et absolument réjouissante.