Art contemporain

SPORT

Au Mans, le ballon sujet et objet

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 6 février 2020 - 932 mots

LE MANS / SARTHE

Le Musée de Tessé propose un florilège d’œuvres autour du sport et du ballon en particulier.

André Lhote, Rugby, 1917, Centre Pompidou, Paris. © MNAM-CCI, dist. RMN-Grand-Palais/Jean-François Tomasian.
André Lhote, Rugby, détail, 1917, Centre Pompidou, Paris.
© MNAM-CCI, dist. RMN-Grand-Palais/Jean-François Tomasian.

La fin du XIXe siècle marque la naissance des avant-gardes et de la modernité artistique. Et c’est au même moment que se développe le sport professionnel, que les règles du rugby, du football ou du tennis sont arrêtées et les premiers tournois organisés. C’est le point de départ de l’exposition du Musée de Tessé, dont le parcours en quatre-vingts œuvres, prêtées par quarante institutions, galeries et artistes, retrace l’utilisation du motif de la balle et du ballon.

André Lhote, Rugby, 1917, Centre Pompidou, Paris. © MNAM-CCI, dist. RMN-Grand-Palais/Jean-François Tomasian.
André Lhote, Rugby, 1917, Centre Pompidou, Paris.
© MNAM-CCI, dist. RMN-Grand-Palais/Jean-François Tomasian.

L’exposition s’ouvre sur une dizaine de peintures où la balle constitue l’activité de loisirs d’une bonne société. Des courts de tennis, où l’on vient pour se montrer plus que pour jouer, aux jeux de plages, que Maurice Denis dépeint sous l’évocation mythologique de Nausicaa, la balle est, au début du XXe siècle, un divertissement léger et bourgeois. C’est avec Fernand Léger, la peintre puriste Marcelle Cahn ou André Lhote, que l’on voit ensuite les artistes s’emparer du sport pour en faire un motif pictural à part entière. La raquette, comme le ballon, s’invitent dans des natures mortes et les recherches sur le mouvement des avant-gardes se nourrissent des mêlées de rugby.

Quand l’art contemporain s’empare du ballon

L’exposition fait ensuite la part belle à l’art contemporain, par ailleurs absent des collections des musées manceaux, et bénéficie de l’expertise de Philippe Piguet, qui sera en 2020 le commissaire du festival Normandie Impressionniste. « Le public est demandeur et les expositions temporaires sont une occasion d’amener la création contemporaine au Mans », explique Carole Hirardot, conservatrice et commissaire de l’exposition. L’intérêt de l’approche thématique est de proposer au spectateur un florilège de la création contemporaine, où le ballon sert de fil rouge entre des approches et des mediums très éclectiques.

Les peintures réalistes de Julien Beneyton font la passe aux projets humoristiques de Jacques Julien, Pascal Rivet et Claude Closky. En défense, on retrouve des œuvres très politiques d’Omar Victor Diop et de Khaled Jarrar : deux artistes qui utilisent le ballon comme un motif de contestation. D’autres stars sont également présentes sur le terrain : Ben, Bertrand Lavier, ou Adel Abdessemed qui a prêté, pour l’occasion, une version réduite en marbre de sa monumentale sculpture représentant le « coup de tête » de Zinédine Zidane, lors de la Coupe du monde de football 2006.

Cet ensemble d’œuvres contemporaines explicite les deux pôles de l’approche du ballon et du sport : d’un côté, un prétexte idéal pour un travail formel ; de l’autre, un sujet éminemment social. L’exposition offre un panorama assez large mais comporte quelques angles morts, sur le divertissement de masse que sont devenus les jeux de ballon, par exemple. Qu’importe, « l’ambition n’est pas de faire une démonstration scientifique », rappelle Carole Hirardot. Pour la conservatrice, l’enjeu est plutôt d’attirer un public qui n’est pas habitué au musée, avec un sujet fédérateur et accessible.

Un projet d’ensemble pour les musées du Mans  

Musées. Arrivée en août dernier, Alice Gandin, la nouvelle directrice des musées de la Ville, a de l’ambition pour les musées manceaux. Elle souhaite clarifier l’offre muséale locale, en affirmant une identité commune aux quatre établissements : le Musée de Tessé, le Carré Plantagenêt (musée archéologique), le Musée vert (museum d’histoire naturelle) et le Musée de la Reine Bérengère, consacré à l’histoire régionale. Le Carré Plantagenêt, inauguré en 2009, propose une muséographie claire et aérée, avec une architecture moderne ouverte sur la vieille ville. On ne peut en dire autant du Musée de la Reine Bérengère, inaccessible, vieillissant et très peu fréquenté. Pour la nouvelle directrice, sa place dans le réseau des musées municipaux doit être repensée. Au Musée de Tessé, la problématique est celle de l’espace. Le musée des beaux-arts en manque cruellement dans l’ancien palais épiscopal qui l’abrite. Les expositions temporaires, installées au premier étage, prennent la place des collections XIXe qu’il faut décrocher, puis raccrocher. Un casse-tête pour la régie d’œuvres et une frustration pour les visiteurs qui sont ainsi privés pendant plusieurs mois d’une partie importante des collections. Pour tirer parti de la situation, Alice Gandin a décidé de faire du raccrochage des œuvres de la collection permanente un événement, où une visite spécifique est proposée. En mars prochain, les hommes seront à l’honneur : « On fait beaucoup de choses autour des femmes aujourd’hui, pourquoi ne pas prendre le contre-pied ? », sourit la directrice. Malgré ces contraintes, les musées du Mans peuvent compter sur un certain nombre d’atouts : une fréquentation de 100 000 visiteurs par an, pour une agglomération de 200 000 habitants ; une municipalité qui fait de la culture une de ses priorités ; et surtout la présence d’un certain nombre de chefs-d’œuvre dans les collections. Au musée d’archéologie, c’est l’émail Plantagenêt, une pièce maîtresse de l’art médiéval qui fera partie de l’exposition sur la chevalerie au Louvre Abu Dhabi. Au Musée de Tessé, une très belle collection de primitif italien, la Vanité de Philippe de Champaigne, mais aussi la galerie égyptienne, véritable curiosité, où le visiteur parcourt une reproduction à l’échelle de la tombe de Nefertari, grâce à d’immenses tirages photographiques. Dans les mois qui viennent, le musée proposera une visite en audioguide de ces tombes « en fac-similé ». Il accueillera également en mai le panneau manquant d’un précieux triptyque siennois du XIVe – déposé par un collectionneur américain pour deux ans –, ce qui donnera l’occasion d’exposer le fonds de peintures italiennes. Le musée Plantagenêt accueillera, quant à lui, l’exposition Images’N Magie, dès le mois de mars. L’événement est le fruit d’un partenariat de longue date avec le Musée du quai Branly, qui prêtera une cinquantaine d’œuvres africaines, océaniennes et américaines.

Jeux de balles, jeux de ballons,
jusqu’au 15 mars, Musée de Tessé, 2, avenue de Paderborn, 72000 Le Mans.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°538 du 31 janvier 2020, avec le titre suivant : Au Mans, le ballon sujet et objet

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