Japon

LIEU D’EXPOSITION

Un nouveau hub d’art contemporain au-dessus de Tokyo

Par Michel Temman, correspondant au Japon · Le Journal des Arts

Le 8 février 2024 - 694 mots

TOKYO / JAPON

En haut d’un gratte-ciel ultramoderne, un espace hors norme et inédit accueille l’extravagance des avant-gardes artistiques, et deux restaurants gastronomiques.

Sommet de la Toranomon Hills Station Tower à Tokyo. © DBOX / Mori Building Co
Sommet de la Toranomon Hills Station Tower à Tokyo.
© DBOX / Mori Building Co

Tokyo (Japon). L’ascenseur design aux parois de verre et de métal file jusqu’au 8e étage de la flambant neuve Toranomon Hills Station Tower, nouvelle flèche parasismique haute de 266 mètres, œuvre de l’architecte Shohei Shigematsu. C’est là qu’à un comptoir posé sur un sol moquetté de rouge, cerclé d’écrans, jouxtant un café et un « Lab » d’expérimentations digitales, est délivré le ticket d’entrée préalablement réservé et réglé en ligne : un Graal donnant accès à un second ascenseur propulsant les visiteurs au 45e étage du gratte-ciel. Bienvenue au Tokyo Node dans les arcanes de l’exposition la plus courue du moment, « Eternity in a moment » : une fresque sortie de l’imaginaire toujours aussi fleuri et fantasmagorique de la photographe Mika Ninagawa. C’est à ce jour le solo show le plus ambitieux de cette artiste très appréciée dans son pays et ailleurs en Asie. Onze installations – écrans, vidéos, photographies, jardins de vraies fleurs et de répliques synthétiques, toiles digitales et expériences immersives –, ici un salon feutré où l’on se retrouve allongé sous une nuée de pétales-écrans, là un dôme tridimensionnel haut de 15 mètres aux parois striées diffusant des milliers d’images conceptualisées sur des sons électro.

Restaurants français

« Le Tokyo Node n’est pas un musée d’art contemporain, précise Saaya Inoue, responsable du département « Activités fondées sur de nouvelles expériences » du Tokyo Node. C’est un lieu d’exposition, avec ses espaces consacrés aux artistes, mais c’est avant tout un hub dévolu à l’art, à la culture et à la société, mettant en valeur de nouvelles énergies, innovantes, et privilégiant l’interactivité. » Déployé sur 10 000 m2, le Tokyo Node se veut, comme l’indique son nom, un nœud, « un point de connexions », de rencontres et de dialogues. De commerce aussi – en témoigne sa ludique boutique de produits dérivés. En plus de la Node Gallery (le triptyque des trois halls accueillant Mika Ninagawa), un amphithéâtre ultramoderne, le Node Hall, lové au 46e étage, avec écran géant et technologies dernier cri, accueille des conférences – sa scène devance un immense quadrilatère de verre, transparent, aux vues plongeantes sur Tokyo et le palais impérial. À propos de « palais », et comme un hommage peut-être inavoué à un pays sensible aux arts culinaires, le Node invitera aussi, dès ce printemps, les visiteurs à rejoindre deux restaurants gastronomiques perchés au 49e étage, autour d’un jardin et d’une piscine carrée en plein air : le restaurant français Apothéose (y officiera le chef Keita Kitamura, formé en France), et Kei Collection Paris, table tricolore du chef triplement étoilé Kei Kobayashi (anciennement au Plaza Athénée). « Pour que Tokyo devienne plus attractif, j’ai pensé que la ville avait besoin d’une nouvelle plateforme de diffusion culturelle, liant l’art, les sens, le divertissement et les affaires, témoigne Ou Sugiyama, directeur général de Tokyo Node. J’ai réfléchi à la création d’un lieu jamais vu, où s’exprimeraient des mouvements d’avant-garde, hors de tout cadre traditionnel. »

Vue de l'exposition Eternity in a Moment de Mika Ninagawa. © M. Ninagawa
Vue de l'exposition Eternity in a Moment de Mika Ninagawa.
© M. Ninagawa
Art et « lifestyle »

Dans un Japon cherchant encore à renforcer ses assises dans l’art contemporain – face à une Chine et à une Corée du Sud visiblement plus sûres d’elles-mêmes –, la multiplication récente de nouveaux lieux d’exposition, à Tokyo, donne à espérer. Faire davantage, aller de l’avant, c’est la volonté de grands groupes privés japonais passionnés d’art contemporain. Producteur du Tokyo Node et du complexe immobilier de 7,5 hectares qui l’accueille et l’entoure, le conglomérat Mori Building est l’un d’eux – et l’un des plus actifs. Son fondateur Minoru Mori (1934-2012), collectionneur en son temps de Le Corbusier, n’avait de cesse de répéter, de son vivant, que l’avenir de Tokyo passerait par « l’alliance de l’art, du “lifestyle” et de l’architecture. »À l’origine du Mori Art Museum ouvert en 2003 au sein de Roppongi Hills, et du TeamLab Borderless – Musée d’art digital Mori, le groupe Mori a inauguré, récemment, sa nouvelle Azabudai Hills Gallery, avec une installation de l’artiste Olafur Eliasson : des lumières stroboscopiques éclairant les trajectoires mobiles de gouttelettes d’eau virevoltant dans un espace obscur de vingt mètres sur cinq. Soucieux, au Japon, de redéfinir les lignes, le Tokyo Node a l’énergie de ce stroboscope.

Mika Ninagawa, Eternity in a moment,
jusqu’au 25 février, Tokyo Node, Toranomon Hills Station Tower 8F, 45F-49F, 2-6-2 Toranomon, Minato-ku, Tokyo.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Un nouveau hub d’art contemporain au-dessus de Tokyo

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