Photographie

Le monde en 20 regards

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 27 octobre 2025 - 2133 mots

La riche actualité culturelle parisienne du mois de novembre repose en partie sur la photo. Autour de la foire Paris Photo au Grand Palais, la capitale voit éclore de nombreuses expositions mettant ce médium à l’honneur. L’Œil a procédé à un repérage et propose une sélection de 20 lieux et manifestations à ne pas rater.

Donna et elles

Le BAL – Jusqu’au 16 novembre

La découverte des images de la New-yorkaise Donna Gottschalk (née en 1949), réalisées dans les années 1960-1970 de sa famille, ses amies, amantes et compagnes de lutte pour les droits LGBT compte parmi les belles surprises de l’année 2025. Aux menaces, insultes et agressions qu’elles encourent alors, la photographe américaine oppose un regard délicat et tendre sur ses proches auquel fait écho le texte d’Hélène Giannecchini, né de leurs entretiens.

« Nous autres. Donna Gottschalk, Hélène Giannecchini avec Carla Williams », Le BAL, 6, impasse de la Défense, Paris-18e, www.le-bal.fr

Photos détournées

Centre photographique Île-de-France (CPIF) – Jusqu’au 21 décembre

Isabelle Giovacchini (née en 1982) détourne les fonctions figuratives et représentatives des photographies qu’elle trouve dans les lieux qu’elle explore ou dans des archives. Les transformations variées qu’elle leur applique déplacent leur signification et leur confèrent une matérialité nimbée souvent de mystère.

« Isabelle Giovacchini. Plongées, fragments, répliques », Centre photographique Île-de-France, 107, avenue de la République, Pontault-Combault (77), www.cpif.net

Une histoire d’amour

Musée d’Orsay – Jusqu’au 15 février 2026

Gabrielle Hébert (1853-1934), née Von Uckermann, fut une peintre amatrice avant d’épouser Ernest Hébert, peintre renommé et directeur – par deux fois – de l’Académie de France à Rome. C’est au cours des années 1885-1890, à la Villa Médicis, qu’elle se découvre une passion pour la photographie. Le médium lui tient lieu de journal pour saisir à toutes saisons le site, les jardins, le palais, les réceptions et le quotidien de la ville. Elle explore tous les genres – portrait, paysage, nu, nature morte et reproduction d’œuvres d’art. Son époux, de quarante ans son aîné auquel elle voue une grande admiration, demeure néanmoins son sujet privilégié. Le retour en France la voit se concentrer uniquement sur lui. Une histoire de passion peu commune que cette première monographie révèle dans ses diverses composantes.

« Gabrielle Hébert. Amour fou à la Villa Médicis », Musée d’Orsay, esplanade Valéry-Giscard-d’Estaing, Paris-7e, www.musee-orsay.fr

Les rebuts de Mark Cohen

Galerie du Jour agnès b – La Fab – Du 7 novembre au 4 janvier 2026

Depuis plus de cinquante ans, l’Américain Mark Cohen (né en 1943) arpente les rues avec son appareil photo en quête d’un objet abandonné, d’un détail ou d’un geste fugitif. La quarantaine d’images récentes réunies ici se concentre uniquement sur les rebuts des sols urbains. Tranche de pain, godet en carton écrasé, morceaux de glace, etc., forment ainsi une constellation de fragments, de traces flirtant avec le surréalisme.

« Mark Cohen. Low Ideas », Galerie du Jour agnès b – La Fab, place Jean-Michel-Basquiat, Paris-13e, la-fab.com

Deux Américains à Paris

Maison européenne de la photographie (MEP) – Jusqu’au 25 janvier 2026

Edward Weston (1886-1958) fait partie de l’histoire de la photographie, Tyler Mitchell (né en 1995) pas encore, bien qu’il soit, à 30 ans, représentatif d’une nouvelle avant-garde d’artistes portant un autre narratif sur les personnes noires. Le basculement d’Edward Weston du pictorialisme dans les années 1920 vers la Straight Photography (photographie pure) est un tournant majeur dans sa carrière, tandis que la monographie de Tyler Mitchell, la première en France, révèle le travail d’un talentueux photographe et cinéaste, qui a été le premier Afro-Américain – à 23 ans – à signer une couverture du Vogue américain.

« Edward Weston. Modernité révélée » et « Tyler Mitchell. Wish This Was Real », MEP, 5-7, rue de Fourcy, Paris-4e, www.mep-fr.org

La Côte d’Ivoire by train

Fondation Henri Cartier-Bresson – Jusqu’au 11 janvier 2026

François-Xavier Gbré (né en 1978) s’intéresse aux empreintes de l’activité humaine dans le paysage et l’architecture du continent africain. En 2023, le photographe franco-ivoirien a parcouru la voie ferrée qui traverse la Côte d’Ivoire du nord au sud, grâce au soutien du programme Latitudes de la Fondation d’entreprise Hermès. Ses images revisitent finement les enjeux passés et présents de cette ligne ferroviaire construite durant la colonisation française.

« François-Xavier Gbré. Radio Ballast », Fondation Henri Cartier-Bresson, 79, rue des Archives, Paris-3e, www.henricartierbresson.org

Denise Bellon, un regard sur le XXe siècle

Musée d’art et d’histoire du judaïsme – Jusqu’au 8 mars 2026

Denise Bellon (1902-1999), née Hulmann, n’eut pas qu’une vie en photographie, mais plusieurs. Tout commence par l’amitié qui l’unit, au début des années 1930, aux photographes Pierre Boucher, Émeric Feher, Pierre Verger et René Zuber dont le studio photo sert de point de ralliement et de laboratoire avant qu’ils fondent, avec Maria Eisner, l’agence Alliance-Photo, première coopérative de photographes. Elle trouve alors dans le mouvement Nouvelle Vision une source d’inspiration ; elle fréquente les surréalistes et le groupe Octobre, troupe de théâtre animée par Jacques et Pierre Prévert. Tous ses portraits, reportages en France ou à l’étranger, travail personnel ou commandes publicitaires portent la trace de la liberté de son regard. Ses photos sur les expositions surréalistes à partir de 1938 témoignent de la confiance que lui accorde André Breton. Son entrée dans la Résistance avec son époux Armand Labin, dès 1940, la voit poursuivre son activité pour documenter l’Occupation et le maquis. Les portraits d’écrivains et d’artistes qui suivent jusque dans les années 1970 résultent des liens forts qu’elle a entretenus toute sa vie avec ces milieux, en particulier celui du cinéma.

« Denise Bellon. Un regard vagabond », MAHJ, Hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris-3e, www.mahj.org

Pola nippon

Musée Guimet – Jusqu’au 12 janvier 2026

Après l’exposition rétrospective « Araki » présentée en 2016, le Musée national des arts asiatiques se focalise sur les polaroïds du photographe japonais (né en 1940) réalisés entre 1997 et 2024, à la faveur de leur donation, en mai dernier, par le collectionneur Stéphane André.

« Polaraki. Mille polaroids d’Araki Nobuyoshi », Musée Guimet, 6, place d’Iéna, Paris-16e, www.guimet.fr

Doisneau et la banlieue

Maison de la photographie Robert-Doisneau – Jusqu’au 15 février 2026

Robert Doisneau est né à Gentilly, le 14 avril 1912. De 1989 à 1991, il y retourne pour photographier la ville et sa population. Avant son décès en 1994, il avait entamé un projet de livre, resté inachevé sur la banlieue de son enfance. L’exposition en révèle la teneur.

« Robert Doisneau. Gentilly », Maison de la photographie Robert-Doisneau, 1, rue de la Division Général Leclerc, Gentilly (94), maisondoisneau.grandorlyseinebievre.fr

La mémoire bleue de Wilson-Pajic

Galerie Miranda – Du 5 novembre au 3 janvier 2026

Ses photogrammes grand format en cyanotype d’objets du quotidien, de textile et de costumes de scène ou de robes de haute couture, signées Christian Dior, Alexander McQueen ou Christian Lacroix, ont fait la renommée de la photographe franco-américaine Nancy Wilson-Pajic (née en 1941). Le travail mené par la galeriste Miranda Salt dans les archives de la photographe, aujourd’hui âgée de 84 ans, met en lumière une œuvre éblouissante.

« Nancy Wilson-Pajic. Objet, texte, ombre », Galerie Miranda, 21, rue du Château d’Eau, Paris-10e, www.galeriemiranda.com

Les images assourdissantes de Luc Delahaye

Jeu de paume – Jusqu’au 4 janvier 2026

Le Jeu de paume propose un regard rétrospectif et analytique sur les 25 dernières années de création de l’ancien grand photoreporter de guerre (né en 1962) qui, en 2001, rompt avec le photojournalisme, puis avec l’agence Magnum et se déclare artiste [lire aussi p. 44].

« Luc Delahaye. Le bruit du monde », Jeu de paume, 1, place de la Concorde, Paris-1er, www.jeudepaume.org

Hoda Afshar, au-delà des représentations

Musée du Quai Branly – Jusqu’au 25 janvier 2026

Née à Téhéran en 1983 et installée depuis à Melbourne, Hoda Afshar est considérée comme l’une des artistes visuelles les plus novatrices de la scène contemporaine australienne. Pour sa première exposition personnelle en France, sont réunis l’essai visuel Speak The Wind (2015-2020), exploration des croyances liées aux vents sur les îles du détroit d’Ormuz, au sud de l’Iran, et son installation inédite The Fold, enquête à partir des collections de photos du musée, sur les mécanismes idéologiques et politiques que sous-tendent les photographies du psychiatre Gaëtan Gatian de Clérambault, prises au Maroc en 1918 et 1919.

« Hoda Afshar. Performer l’invisible », Musée du Quai Branly-Jacques-Chirac, 37, quai Branly, Paris-7e, www.quaibranly.fr

Faire vivre les archives

Musée des arts décoratifs – Jusqu’au 1er février 2026

À partir des photographies de Franck de Villecholle (1816-1906) sur les destructions en Île-de-France lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871, conservées au Musée des arts décoratifs, la photographe (née en 1986) redonne vie à cette archive, terreau de réflexions sur la disparition patrimoniale et la fragilité du médium photographique.

« Guénaëlle de Carbonnières. Dans le creux des images », Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, Paris-1er, www.madparis.fr

Ilanit Illouz x Vincent Lemaire

Transfo, centre culturel d’Emmaüs Solidarité – Jusqu’au 15 novembre

Pour la 11e Biennale des rencontres photographiques du 10e [lire p. 35], les paysages de la mer Morte ou de l’Etna vus par Ilanit Illouz (née en 1977) se font matières et catalysent les traces de leur formation renvoyant à des abstractions envoûtantes comme les photogrammes d’objets de Vincent Lemaire (né en 1983).

« Ilanit Illouz, Vincent Lemaire. Rives », Transfo, centre culturel d’Emmaüs Solidarité, 36, rue Jacques-Louvel-Tessier, Paris-10e, www.rencontresphotodu10.fr

La respiration de la Terre

Galerie Anne Barrault – Du 6 novembre au 20 décembre

Les géophysiciens s’appuient sur des telluromètres pour mesurer et quantifier les courants telluriques. Les photographies et vidéos, de nature et de registres différents de la photographe portugaise Manuela Marques (née en 1959) rendent perceptibles ces flux et tremblements intérieurs.

« Manuela Marques. Vortex », Galerie Anne Barrault, 51, rue des Archives, Paris-3e, galerieannebarrault.com

La Biennale du 10e

Divers lieux de Paris-10e – Jusqu’au 16 novembre

Organisée par le collectif Fetart, la Biennale consacrée à la photographe contemporaine réunit huit travaux, objets d’exposition en plein air ou dans différents lieux du 10e arrondissement dont ceux sur les restos routiers de Guillaume Blot, sur le méga-feu qui ravagea en 2018 la ville de Paradis en Californie de Maxime Riché ou le récit d’histoires de reconstructions à la suite des violences d’Emeline Sauser.

Les Rencontres photographiques du 10e, www.rencontresphotodu10.fr

Festival germanopratin

Divers lieux de Paris-6e et 7e – Du 6 au 30 novembre

La 14e édition de ce festival bénéficie d’une programmation riche en propositions variées émanant de galeries, centres culturels, libraires et institutions du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Le festival présente aussi ses productions ou coproductions inédites telles l’exposition au Musée d’histoire de la médecine sur le fonds Étienne-Jules Marey (1830-1904), celle de Marion Poussier (née en 1980) à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, celle de l’Américaine Terri Weifenbach (née en 1957) au Musée national Eugène-Delacroix, ou encore celle d’Emilio Azevedo (né en 1987) à la Maison Auguste-Comte [lire aussi p.108].

PhotoSaintGermain, www.photosaintgermain.com

Le parcours de Photo Days

Paris et Île-de-France – Du 3 au 30 novembre

Si le festival se fait le relais des expositions photos proposées en novembre à Paris, les six expositions qu’il a produits égrainent notamment les promenades de nuit de l’Italien Paolo Ventura (né en 1968) à la Rotonde Balzac (8e arr.), la fable égyptienne de Sandra Guldemann Duchatellier (née en 1955) au cinéma Le Louxor (10e arr.), les paysages extrêmes de Juliette Agnel (née en 1973) à l’École des arts joailliers (9e arr.) et les portraits d’arbres d’Antoine Schneck (né en 1963) au Studio Harcourt (16e arr.) [lire aussi p. 108].

Photo Days, https://photodays.paris

Paris Photo & Co

Grand Palais – Du 13 au 16 novembre Grand rendez-vous international, Paris Photo demeure, 28 ans après sa création, le nec plus ultra des foires photos. L’édition 2025 expose ses choix à travers 178 galeries et 42 éditeurs de 33 pays offrant une vision large des pratiques et usages du médium du XIXe siècle à nos jours. Les grands noms de l’histoire de la photographie, les artistes établis, les photographes méconnus ou émergents se côtoient. Ses différents secteurs – « Principal », « Voices », « Prismes », « Digital », « Émergences » ou « Éditions » – attirent amateurs et collectionneurs du monde entier [lire aussi p. 106]. Parallèlement, du 13 au 16 novembre, le Salon Approche réunit une quinzaine de galeries choisies pour la variété de leurs artistes qui expérimentent l’image (1er arr.) et, le 17 novembre, se tient la foire Vintage 24.39 dévolue aux tirages originaux du XIXe et début du XXe siècle (17e arr.).

Paris Photo, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e, www.parisphoto.fr Vintage 24.39, Pavillon Wagram, 47 avenue de Wagram, Paris-17e, 24-39.com 40e Salon Approche, Le Molière, 40, rue Richelieu, Paris-1er, www.approche.paris

Quand les éditeurs s’exposent

Polycopies (du 12 au 16 novembre) et Offprint (du 13 au 16 novembre) sont deux salons incontournables consacrés aux livres de photos se distinguent par les éditeurs nationaux et internationaux qu’ils réunissent, et que l’on ne retrouve pas, dans le secteur « Éditeur » de Paris Photo [lire p. 35 et p. 106].

Polycopies, bateau Concorde Atlantique, amarré au Port de Solférino, Paris-7e, www.polycopies.net Offprint, Bibliothèque de l’Arsenal, Paris-4e, offprint.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°790 du 1 novembre 2025, avec le titre suivant : Le monde en 20 regards

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