Photographie

Une féminisation au-delà des clichés

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 27 octobre 2025 - 870 mots

On le remarque chaque année en festival ou dans la programmation muséale : la création photographique des femmes est de plus en plus montrée. Il en est de même pour les postes de direction des grandes institutions occupés, depuis dix ans, par de nombreuses femmes. Comment cette « féminisation » a-t-elle été rendue possible ? Retour sur les cinquante dernières années.

Lorsque Florence Bourgeois (née en 1962) a été nommée en décembre 2014 à la direction de Paris Photo, aucune femme n’avait été jusque-là à la tête de la foire. Depuis, le choix d’Anna Planas (née en 1980) à la direction artistique en 2023 et des commissariats des différents secteurs de la foire confiés cette année à des femmes illustrent leur montée en puissance à des postes clés depuis quelques années. Au département des Estampes et de la Photographie de Bibliothèque nationale de France, dirigée par Sylvie Aubenas (née en 1959), l’équipe chargée de la photographie ne compte aucun homme. Au ministère de la Culture, Emmanuelle Denavit-Feller est la nouvelle cheffe du département de la photographie. En février dernier, c’est Dominique de Font-Réaulx (née en 1961), historienne de l’art spécialiste du XIXe siècle et de photographie, qui s’est vu confier par la Rue de Valois la présidence du comité scientifique en charge du Bicentenaire de la photographie en 2026-2027, tandis que Luce Lebart (née en 1970) a été choisie par la Mairie de Montpellier, pour diriger Le Pavillon Populaire et succéder à Gilles Mora, son directeur depuis sa création.

Une histoire d’hommes ?

Si cette dernière décennie leur est favorable, rares cependant ont été, pendant longtemps, les femmes à accéder à des postes de direction, bien que nombreuses à œuvrer dans le secteur. La photographie n’a pas échappé à ce qui prévalait de manière générale. Jusque dans les années 1970, elle semblait n’être qu’une histoire d’hommes, y compris dans le domaine de la création ; du moins, c’est ce que laissaient entendre les expositions, les livres et les productions des Rencontres d’Arles, de Paris Photo et des agences Gamma, Sygma et Sipa. Mais les femmes n’en furent pas moins importantes. Agathe Gaillard (1941-2025) a été la première à ouvrir, en 1975, une galerie à Paris consacrée à la photographie. Au ministère de la Culture, Agnès de Gouvion Saint-Cyr (1945-2025) a fait figure de pionnière quand elle a été choisie, en 1976, pour élaborer une politique de soutien à la photographie. Jusqu’à sa nomination, aucun poste en charge de ce secteur n’avait été créé Rue de Valois. Pendant plus de trente ans, elle a régné sur la politique photo du ministère. « Elle a été la référence ministérielle, finançant, labellisant, soutenant projets, livres et expositions en France et dans le monde », rappelait Françoise Denoyelle, historienne de la photographie, lors de son décès en mars dernier. Françoise Heilbrun, engagée dans la création du Musée d’Orsay et de ses collections photographiques à partir de 1977, se range aussi parmi les grandes figures qui ont participé à la reconnaissance de la photographie comme un art.

Une évolution rapide et plus équilibrée

Ce n’est toutefois qu’au début des années 2000 qu’un mouvement de fond s’est amorcé. L’émergence de nouvelles structures a ainsi vu Agnès Sire (2004-2017) nommée à la direction de la Fondation Henri Cartier-Bresson, et Diane Dufour (née en 1966) co-créer Le BAL avec Raymond Depardon et co-diriger l’institution avec Christine Vidal (née en 1971). Plus récemment, Aurélie de Lanlay (née en 1978), administratrice des Rencontres d’Arles depuis 2012, a été nommée en 2019 directrice adjointe du festival. Côté institution publique, Marta Gili (née en 1957) nommée à la tête du Jeu de paume en 2006, puis à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles (ENSP), treize ans plus tard, a ainsi été la première femme à la direction de ces deux établissements publics de référence. Depuis, Quentin Bajac lui a succédé au Jeu de paume et Véronique Souben (née en 1969) à l’ESNP. Plus globalement, l’accès des femmes aux postes de responsabilités à Paris et en région s’est accru à la faveur d’une nouvelle génération de diplômées qui a émergé. En 2023-2024, les étudiantes sont nombreuses dans les filières des arts plastiques (71 %) et du patrimoine (80 %). La proportion hommes-femmes s’est par ailleurs équilibrée dans les jurys et le ministère de la Culture s’est impliqué dans la lutte contre les discriminations. La création, en 2013, de l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication, voulue par Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture, constitue un outil précieux de l’état des lieux dressé chaque année (consultable sur le site du ministère). Il en résultait, en 2014, la constatation d’un déséquilibre général avec seulement 24 % des établissements publics sous tutelle du ministère dirigés par des femmes et 26 % pour les structures subventionnées de la création artistique, tous champs confondus. Dix ans plus tard, en 2024, leur part atteint respectivement 39 % et 40 %. Pour la photographie, secteur bénéficiant depuis 2020 de calculs spécifiques, la proportion concernant les directions des principaux établissements publics atteint 44 %. Une évolution qui va de pair avec la plus grande visibilité donnée aux femmes dans la programmation artistique de photographies et qui s’établit en 2023 à 44 % pour les festivals et 50 % dans les centres d’art consacrés à la photographie.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°790 du 1 novembre 2025, avec le titre suivant : Une féminisation au-delà des clichés

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