Alison Knowles, figure majeure de Fluxus, s’est éteinte à 92 ans

La cofondatrice du mouvement Fluxus et l’une des seules femmes du groupe, Alison Knowles, est décédée à l’âge de 92 ans, le 29 octobre, à son domicile de SoHo à New York. Sa disparition a été confirmée par sa fille, Hanna B. Hölling, et la galerie James Fuentes qui la représentait.

Hanna Hölling, qui est aussi directrice du projet Activating Fluxus, a rendu hommage à l’artiste : « Alison rayonnait d’une joie extraordinaire et d’une ouverture ; c’était une artiste qui vivait sa philosophie, combinant le quotidien et le profond. » Forte d’une carrière de six décennies à travers tous les médiums qui lui étaient donnés d’utiliser, elle avait à cœur d’interagir avec le public et de lui faire toucher ses œuvres et les utiliser. Elle avait dit lors d’un entretien réalisé en 2010 avec les Archives of American Art : « Les gens ne touchent pas à l’art. C’est l’un des problèmes. »

Elle s’intéressait aussi bien au son qu’à la poésie, le plus souvent par le biais d’installations ou de performances. Elle avait déclaré au New York Times en 2022 : « Je ne veux pas que les gens regardent passivement mon travail, mais qu’ils y participent activement en le touchant, en le mangeant, en suivant des instructions d’écoute, en fabriquant ou en prenant physiquement quelque chose, ou en se joignant à une activité. »

Alison Knowles est née le 29 avril 1933 à New York. Elle y a passé une partie de son enfance avant de déménager dans le Westchester. Elle est entrée au Middlebury College, dans le Vermont, où elle a suivi une partie de sa scolarité. Puis elle est repartie à New York étudier à la Pratt Institute à Brooklyn, où travaillait son père. Elle a pu profiter de cours du soir et être sous la direction des peintres Richard Lindner, Adolph Gottlieb et Josef Albers. Elle va rencontrer et se lier d’amitié avec le compositeur d’avant-garde John Cage, qu’elle va rejoindre au sein du New York Mycological Society. Elle y rencontrera les artistes George Maciunas, Dieter Roth, Wolf Vostell, Nam June Paik et Dick Higgins, qui deviendra son mari en 1960.

En 1962, ils partent faire une tournée en Europe, où ils se produiront à Wiesbaden pour le premier festival Fluxus, dont ils sont les fondateurs. Puis, en 1963, elle va créer avec Higgins la maison d’édition Something Else Press, où ils publient des livres Fluxus comme Notations de John Cage en 1968. Knowles édite ses propres livres-objets comme Bean Rolls en 1963. Elle va alors commencer à faire des « partitions événementielles » — des gestes et performances à partir d’instructions d’un auteur. L’une de ses premières propositions est Make a Salad en 1962 ; l’instruction est simple : faire une salade.On lui attribue une certaine paternité de l’art numérique puisqu’en 1967, avec le compositeur James Tenney, elle créa The House of Dust, un programme capable de générer des poèmes en quatrain sur le thème de la maison. En 1971, elle crée sa première œuvre sonore, Bean Garden, une installation dans laquelle le visiteur marche sur une plateforme de haricots. Son intérêt pour le monde du livre étant déjà présent, elle réalisa des installations-livres de grandes tailles (2,4 m sur 1,2 m), dont The Big Book, fabriqué en 1967, manipulable grâce à des roulettes et renfermant des objets comme une bibliothèque, une galerie d’art ou un lit.

Elle fut peu en contact avec le milieu institutionnel, où elle n’exposa que lors d’expositions collectives Fluxus. Elle n’a pas participé à la Documenta, mais a été présente à la Biennale de Venise en 1990. Il aura fallu attendre 2016 pour qu’elle ait sa première exposition monographique au Carnegie Museum of Art de Pittsburgh. Sa première rétrospective a eu lieu en 2022 au Berkeley Art Museum & Pacific Film Archive, en Californie. D’autres expositions ont suivi, notamment à Wiesbaden. Certains de ses travaux sont présentés au MAMC+ à Saint-Étienne à partir du 8 novembre.