Art contemporain

XXE-XXIE SIÈCLES / VISITE GUIDÉE

Au MAMC+, un hommage réussi à Alison Knowles

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 3 décembre 2025 - 707 mots

Le musée de Saint-Étienne consacre une rétrospective à la figure emblématique de Fluxus, décédée en octobre dernier.

Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne. © Gernot Wieland
Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne.
© Gernot Wieland, 2025

Saint-Priest-en-Jarez (La Loire). Alison Knowles s’est éteinte le 29 octobre dernier à l’âge de 92 ans, « chez elle, entourée des siens », précise Alexandre Quoi, responsable du département scientifique au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne, co-commissaire de l’exposition qui en ce moment même rend hommage à l’artiste américaine. La disparition récente de celle-ci confère une tonalité« douce-amère » à ce panorama retraçant soixante années de création, souligne l’historienne de l’art Karen Moss, qui a fourni en amont un important travail de documentation. Le calendrier donne en effet une résonance particulière à cette rétrospective itinérante accueillie par le MAMC+ avant sa dernière étape prévue à New York.

Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne. © Gernot Wieland
Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne.
© Gernot Wieland, 2025

Alison Knowles est connue pour son association avec Fluxus, mouvance d’avant-garde fondée en 1962 par George Maciunas, au sein de laquelle elle imagine des event scores, à partir de situations banales, telles que se masser les mains avec de la crème devant un micro (Nivea Cream Piece, 1962). Sa pratique se caractérise par son engagement dans une démarche artistique collaborative et par ses « partitions » de performances, notamment autour de l’alimentation. Elle a également réalisé des installations, des œuvres sonores, et édité de nombreuses publications. Plusieurs récompenses ont distingué son travail qui a été montré dans des institutions de premier plan (MoMa, Guggenheim, Tate) mais n’avait jamais bénéficié jusqu’ici d’exposition d’envergure. Il est vrai que la dimension expérimentale et immatérielle de son œuvre constitue un défi pour les musées en termes de présentation. L’étape stéphanoise de cette rétrospective s’avère être jusqu’à présent la plus satisfaisante, selon le gendre de l’artiste présent au vernissage. Cette réussite tient autant à la scénographie claire et vitaminée conçue par Nicolas Brun, le scénographe du musée, qu’aux échos qu’offre à ce cheminement artistique le fonds Fluxus du MAMC+ – d’ailleurs enrichi, en 2019, par l’acquisition d’une des pièces jalons d’Alison Knowles, The House of Dust (1967-2018).

Alison Knowles (1933-2025) dans son atelier à New York en 2012. © Jessica Higgins
Alison Knowles (1933-2025) dans son atelier à New York en 2012.
© Jessica Higgins
Un parcours au cœur de Fluxus

Le parcours, surtout dans la première partie, a recours à la valorisation graphique de documents d’archives pour donner à voir certaines des actions performées par l’artiste. The Identical Lunch, restitué à travers des photographies d’époque, montre ainsi la façon dont dès ses débuts, Alison Knowles s’emploie à brouiller les frontières entre l’art et la vie, invitant deux années durant à tour de rôle ses amis à partager le menu à l’identique de son déjeuner. La progression, chronologique, est balisée par quelques œuvres phares, parmi lesquelles The Boat Book (voir ill.), variante réalisée par l’artiste à partir de l’édition originale de son Big Book (1966). Cette installation hybridant le livre et l’habitat, le langage et l’architecture, a conservé son étrangeté et sa force évocatrice. On peut regretter en revanche que The House of Dust pour sa part ne soit pas rendu très lisible. En 1967, Alison Knowles compose ce qui est l’un des premiers poèmes générés par ordinateur. Chaque quatrain commence par la même séquence « Une maison en… » suivie par des options de matériaux, de sites, de sources lumineuses et de type d’habitants, combinées aléatoirement par un programme informatique. En résultent plus de 80 000 quatrains, comme autant de constructions verbales habitables engendrées par la technologie… un potentiel créatif dont ne rend pas vraiment compte la simple présentation statique du dispositif. Mais un peu plus loin, les grandes estampes en couleurs de Leonore d’Oro (1978), associant des lettres et des images d’objets trouvés, séduisent immédiatement par leur poésie visuelle. Et on ne résistera pas à l’envie de faire quelques pas sonores dans The Bean Garden (1975), sorte de bac à sable dont les grains sont des haricots blancs au bruissement amplifié par des micros cachés. Après un inventaire des diverses expérimentations d’Alison Knowles, en particulier avec le papier, un focus sur les artistes Fluxus de la collection du musée prolonge le parcours de visite en le contextualisant. La dernière salle conjugue quatre ensembles monographiques d’œuvres de Robert Filliou (1926-1987), Erik Dietman (1937-2002), Ben Vautier (1935-2024) et Wolf Vostell (1932-1998) tandis qu’au sol se déploie Celebration Red (Hommage to Each Red Thing), consistant en une immense grille rouge tracée au sol dans les cases de laquelle les visiteurs du week-end d’ouverture ont été invités à déposer des objets rouges. Un final en beauté.

Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne. © Gernot Wieland
Vue de l'exposition d'Alison Knowles au MAMC+ de Saint-Étienne.
© Gernot Wieland, 2025
Alison Knowles. Une rétrospective,
jusqu’au 15 mars 2026, Musée d’art moderne et contemporain – Saint-Étienne, rue Fernand-Léger, 42270 Saint-Priest-en-Jarez.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°666 du 28 novembre 2025, avec le titre suivant : Au MAMC+, un hommage réussi à Alison Knowles

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