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Une taxe Google pour les artistes ?

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 22 avril 2014 - 717 mots

Le sénateur-maire Philippe Marini a déposé une proposition de loi afin d’instaurer une gestion collective des droits de reproduction et de représentation d’une œuvre d’art par un moteur de recherche. Cette nouvelle « taxe Google » au profit des artistes et photographes, très influencée par la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe, poserait des problèmes de calcul et de répartition des droits.

Effet de manche ou future révolution pour les artistes plasticiens, graphiques et photographes ? Le combat aujourd’hui mené contre Google par le sénateur à l’origine de la loi du 20 juillet 2011 sur les ventes aux enchères, avec Yann Gaillard, reprend de plus belle. Après avoir déposé un amendement en 2010 proposant l’instauration d’une taxe touchant les revenus publicitaires en ligne, après l’accord signé le 1er février 2013 entre Google, la presse d’information politique et générale (IPG) et l’exécutif, Philippe Marini s’attaque désormais à ce qu’il dénomme, dans l’exposé même des motifs, le « pillage » des œuvres sur Internet réalisé par Google Images et les différents services de référencement. La proposition de loi du 8 avril 2014 s’appuie en partie sur le Rapport sur le référencement des œuvres sur Internet rédigé par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) et remis en septembre 2013. Mais là où le rapport s’avérait balancé, le texte de la proposition de loi se fait uniquement l’écho des ayants droit et notamment de la position de la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF). Cette dernière poursuit, elle aussi, un combat contre Google Images devant les tribunaux et pour l’instant infructueux, la cour d’appel de Paris ayant rejeté son action en contrefaçon le 26 janvier 2011. À l’instar de la jurisprudence dont les solutions ne sont pas encore établies, la situation s’avère particulièrement délicate, tant techniquement que juridiquement.

Le principal point de friction provoqué par Google Images réside dans la reproduction de contenus susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur sous la forme de vignettes à la suite d’une requête de l’internaute. Cette reproduction est réalisée en l’absence d’indication du nom de l’auteur de l’œuvre, violant ainsi potentiellement son droit à la paternité, et surtout se fait hors contexte de celle-ci. En effet, le service fourni ne nécessite pas de se rendre sur le site hébergeant le fichier, potentiellement protégeable par le droit d’auteur, entraînant alors une appréciation erronée de sa valorisation. Les moteurs de recherche et de référencement court-circuiteraient également les banques d’images payantes qui rémunèrent les auteurs.

Recours à la gestion collective obligatoire
Face à l’impossibilité d’obtenir l’autorisation de chaque auteur, la SAIF plaide pour le recours à la gestion collective obligatoire, comme en matière de copie privée ou de rémunération des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes. C’est cette voie qu’emprunte la proposition. Un mécanisme de cession obligatoire au profit de sociétés de gestion agréées, dont la SAIF et l’ADAGP, permettrait à ces dernières de conclure des conventions avec les moteurs de recherche et de référencement, afin d’autoriser la reproduction et la représentation des œuvres et de percevoir les rémunérations correspondantes. À ces différents acteurs de définir alors le barème et les modalités de versement ; à défaut d’accord, cette décision reviendrait à une commission paritaire. Le nouveau mécanisme permettrait en contrepartie aux sociétés de référencement d’éviter d’être poursuivies pour contrefaçon et aux internautes de bénéficier des mêmes services. Corrélativement, la liberté de choix des ayants droit quant à l’exercice de leurs prérogatives serait niée du fait de l’adhésion obligatoire, même s’ils ont toujours la possibilité de recourir à un mécanisme de non-référencement de leur site ou de certaines pages (robots.txt).

Ce mécanisme n’est pas sans poser plusieurs problèmes. À commencer par l’enveloppe à distribuer, indexée sur les recettes d’exploitation des services de référencement. Or, le service Google Images n’est accompagné d’aucune publicité, ses recettes sont donc nulles. Le recours à un calcul forfaitaire paraît alors bien délicat. La répartition serait elle aussi fort problématique. Comment référencer aux mieux tous les ayants droit, mesurer le nombre de consultations et distribuer les droits ? Président de la commission des finances au Sénat, dont la majorité pourrait basculer à droite en septembre, Philippe Marini place de grands espoirs dans cette proposition de loi, dont les contours devront pourtant être nécessairement affinés si elle venait à être promulguée.

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Philippe Marini © Sénat

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Une taxe Google pour les artistes ?

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