Nombreuses questions après le vol au Musée Adrien Dubouché

Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2025, vers 3 h 15, des voleurs se sont introduits dans le Musée national Adrien Dubouché (Limoges) en fracturant une fenêtre, ils ont déclenché l’alarme et se sont volatilisés avant l’arrivée du gardien. L’effraction a visé la galerie historique ; des traces d’outils sont visibles près de l’ouverture. L’opération, brève et ciblée, laisse penser à des professionnels familiers des lieux.

Le vol est constitué de trois œuvres de porcelaine de Chine : deux plats bleu-et-blanc de Jingdezhen datés des XIVᵉ et XVᵉ siècles, et un vase du XVIIIᵉ siècle. Le musée a précisé que ce sont des « trésors nationaux ». La valeur des œuvres oscille selon les sources : l’établissement confirme une valeur d’assurance supérieure à 6,5 M€ et un préjudice estimé jusqu’à 9,5 M€.

Comment le vol a-t-il pu se faire aussi vite ? Les premiers éléments indiquent un accès par une fenêtre latérale, une progression directe vers une vitrine déterminée et une fuite avant toute interception. « Le système de sécurité a fonctionné, mais il faudra peut-être le revoir », a reconnu le maire de Limoges, soulignant l’extrême rapidité du commando. Comment les voleurs ont-ils pu s’introduire aussi facilement ? Pourquoi les gardiens ne sont pas intervenus plus vite ? L’enquête le dira.

Qui sont les commanditaires ? À ce stade, il n’y a eu aucune revendication. Mais le choix très précis des œuvres – trois porcelaines chinoises d’exception – nourrit l’hypothèse d’un vol sur commande. « Il est vraisemblable que des collectionneurs passent des ordres et s’adressent à une criminalité de haut niveau », estime encore le maire. L’enquête de flagrance ouverte pour « vol aggravé de biens culturels » a été confiée à la DCOS/SIPJ de Limoges, en co-saisine avec l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC).

Que sont exactement ces objets et pourquoi sont-ils si difficiles à écouler ? Les plats bleu-et-blanc de Jingdezhen incarnent l’âge d’or technique et esthétique de la porcelaine chinoise ; leur ancienneté, leur état et leur provenance les rendent identifiables. En pratique, ces pièces sont invendables sur le marché licite et ne peuvent circuler que sur les marchés parallèles.

Où pourraient-elles partir ? Les spécialistes évoquent des filières discrètes, parfois hors d’Europe, qui alimentent un micro-marché de collectionneurs prêts à payer pour l’invisible - œuvres dissimulées, jamais revendues en salle des ventes ou ailleurs. Mais l’extrême notoriété des pièces, leur enregistrement dans les bases de données d’objets volés et la coopération internationale en matière de biens culturels rendent toute exposition durable hasardeuse.

La priorité des enquêteurs est d’agir vite : plus le temps avance, plus il est difficile de retrouver les œuvres. Les exemples abondent d’œuvres volées et jamais (ou pas encore) retrouvées : la quinzaine d'objets du cabinet chinois de l'impératrice Eugénie volés au Château de Fontainebleau en 2015, les tableaux modernes emportés au Musée d’art moderne de Paris en 2010…

À Limoges, le choc est d’autant plus vif que le musée conserve l’une des plus riches collections de céramiques d’Europe. Le Musée national Adrien Dubouché de Limoges, inauguré en 1900 et rénové en 2012, abrite un vaste ensemble de céramiques, verres et émaux, retraçant l’histoire des arts du feu de l’Antiquité à nos jours. C’est l’une des composantes du nouvel établissement public intitulé Les Manufactures nationales – Sèvres et Mobilier national, présidé par Hervé Lemoine.