Italie - Politique culturelle

L’Italie veut faire du patrimoine un outil de la relance économique

Par Olivier Tosseri, correspondant en Italie · Le Journal des Arts

Le 22 février 2020 - 754 mots

ROME / ITALIE

Le ministre de la Culture italien a commandé un rapport sur l’impact social, économique, culturel et environnemental des musées nationaux de la Péninsule. Si ceux-ci étaient mieux valorisés, leurs recettes pourraient passer de moins de 300 millions d’euros à près de 1 milliard d’euros par an.

La Villa Borghèse à Rome © Photo Alessio Damato, 2007, CC BY-SA 3.0.
En Italie 32 % des musées autonomes, comme la Villa Borghèse à Rome, génèrent 87 % des recettes des musées nationaux.

Quelle est la priorité du Mibact (ministère des Biens et Activités culturels et du Tourisme), préserver ou valoriser le patrimoine italien ? Dario Franceschini, qui n’oublie pas la mission de préservation qui incombe à l’administration dont il a la charge, souhaite insister sur celle de la valorisation qui, selon lui, a été trop longtemps négligée. Le ministre a ainsi commandé le rapport « Culture : un levier stratégique pour la croissance du pays » à la société de conseil Boston Consulting Group (BCG). Le cabinet a passé au crible les chiffres de 2017 concernant 358 musées nationaux sur les 5 000 musées que compte la Péninsule avec ses nombreuses institutions culturelles privées, ainsi que celles liées à l’Église. Il a estimé ensuite leur impact effectif et possible en prenant en considération quatre domaines : économique, social, culturel et environnemental.

« Le rôle de la culture et de l’art est fondamental et stratégique pour le pays, explique Giuseppe Falco, administrateur délégué de BCG Italie, Grèce, Turquie et Israël. La culture garantit et contribue directement et indirectement au développement économique et social. Investir dans la culture se révèle un choix essentiel pour stimuler la croissance. Il y a une grande opportunité à saisir afin de susciter des impacts positifs à l’origine d’un cercle vertueux pour créer et attirer des investissements nécessaires à l’amélioration de l’accessibilité des musées, la préservation et l’exposition de leurs œuvres ou encore leur potentiel de recherche scientifique. »

Grande disparité entre les régions

Les résultats de l’enquête témoignent d’une énorme disparité. 32 % des musées autonomes (des Offices de Florence à la Pinacothèque de Brera en passant par le Colisée ou la Galerie Borghese à Rome) attirent 52 % des visiteurs et génèrent 87 % des recettes des musées nationaux. 83 % des visiteurs se concentrent sur le patrimoine de trois régions : le Latium, la Campanie et la Toscane. Concernant le domaine spécifiquement culturel, les musées n’exposent au public que 6 % de leurs collections. 56 % ont été à l’origine de recherches scientifiques ou de publications et 49 % ont fait restaurer certaines de leurs œuvres. Quant aux effets sur l’environnement, leurs émissions de CO2 sont évaluées à 73 000 tonnes par an.

Mais c’est surtout l’aspect économique auquel le ministre de la Culture a été le plus sensible. Les musées nationaux italiens emploient 117 000 personnes et accueillent chaque année 53 millions de visiteurs qui génèrent des recettes à hauteur de 278 millions d’euros. Cela représente un impact de 27 milliards d’euros sur le PIB italien, soit 1,6 % de son montant total.

Accroître la fréquentation des musées

« Peut mieux faire », répondent en chœur Dario Franceschini et les auteurs du rapport. Deux touristes sur dix qui arrivent dans la Péninsule, soit 24 millions sur les 123 millions qui s’y rendent chaque année, ont pour principal but la visite d’un musée national. Avec de meilleures infrastructures et une meilleure capacité d’accueil, ils pourraient être bien plus nombreux. D’après BCG, les recettes pourraient être comprises entre 800 millions et 1 milliard d’euros. Le rapport met en évidence un potentiel inexprimé, notamment relativement à l’apport de donations privées qui représentent en moyenne seulement 1 % du bilan des musées italiens, contre 20 % pour les musées étrangers. Les 3 millions d’euros annuels pourraient être multipliés par 7 environ. L’impact sur le PIB pourrait enfin bondir de 27 milliards à 40 milliards d’euros et le nombre de visiteurs passer de 53 millions à environ 80 millions.

« Cette étude est la preuve qu’aujourd’hui plus que jamais il est fondamental qu’une très grande attention soit portée à la culture, a commenté Dario Franceschini. Pas seulement parce qu’elle nourrit l’esprit des personnes mais aussi parce qu’elle représente une grande opportunité de croissance économique. Le gouvernement renforcera les investissements pour aider les entreprises qui agissent dans le domaine des biens culturels. Notre capacité à préserver le patrimoine est reconnue dans le monde entier, mais celle de le valoriser accuse de sérieux retards qu’il convient de combler. » Il faudra pour cela des fonds supplémentaires. Le budget du Mibact ne dépasse que depuis ces trois dernières années les 2 milliards d’euros, son plus haut niveau depuis le début des années 2000. Il était en 2019 de 2,7 milliards d’euros, un chiffre en légère hausse comparé aux 2,6 milliards d’euros en 2018, soit 0,29 % du budget de l’État.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°539 du 14 février 2020, avec le titre suivant : L’Italie veut faire du patrimoine un outil de la relance économique

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