L’héritage culturel du pape François (1936-2025)

Le pape François décédé lundi 21 avril à l’âge de 88 ans aura imprimé une marque singulière sur la politique culturelle du Vatican : plus inclusive, plus mobile, et tournée vers les marges. Il a fait de la culture un espace de rencontre, de dialogue et d’hospitalité. L’un de ses gestes les plus emblématiques fut d’inviter des sans-abri à visiter les Musées du Vatican et la chapelle Sixtine en 2015, leur déclarant : « Ceci est votre maison ». La culture ne doit pas être réservée à une élite, mais ouverte à ceux qui en sont d’ordinaire exclus. Concerts « avec et pour les pauvres », valorisation des cultures autochtones : François a déplacé le centre de gravité culturel de l’Église vers les « périphéries », l’un de ses mots d’ordre.

Son dialogue avec les artistes contemporains fut également renouvelé. En 2023, il accueillait deux cents créateurs du monde entier dans la chapelle Sixtine, les appelant « prophètes de beauté ». Depuis 2013, le Vatican participe à la Biennale d’art de Venise. Son tout premier pavillon avait pour fil conducteur les récits de la Genèse, renouant avec la tradition vaticane de commande d’œuvres aux grands artistes. En 2024, le pape François fut le premier pontife à se rendre en personne à la Biennale de Venise, où le Pavillon du Saint-Siège – intitulé « Avec mes yeux » – se distinguait par son implantation inédite au sein de la prison pour femmes de la Giudecca. 

Jorge Mario Bergoglio a aussi réformé les institutions culturelles, dans le cadre d’un vaste mouvement de réorganisation de la Curie et de modification de la constitution apostolique. En 2022, il fusionna le Conseil pontifical de la culture et la Congrégation pour l’éducation catholique en un nouveau Dicastère pour la culture et l’éducation. À sa tête, il nomma le cardinal José Tolentino de Mendonça, poète et théologien portugais. Il confia également à Barbara Jatta la direction des Musées du Vatican, première femme à occuper ce poste.

C’est dans le dialogue interreligieux et la fraternité humaine que son projet culturel s’est le plus affirmé. En 2019, il signait avec le grand imam d’Al-Azhar un texte fondateur appelant à la paix entre les religions. En 2021, il rencontrait l’ayatollah chiite Al-Sistani en Irak. 

Cinéma, littérature, médias : François n’hésitait pas à s’aventurer sur les territoires de la culture populaire. Il citait Dante ou Fellini, apparaissait dans des documentaires, dialoguait avec des jeunes sur des plateformes de streaming. Il modernisa la communication du Vatican en lançant Vatican News, le portail multimédia officiel du Saint-Siège et investit les réseaux sociaux dans un langage simple et direct.

Avec François, la politique culturelle de l’Église est sortie des sentiers battus. Là où Jean-Paul II exaltait les racines chrétiennes et Benoît XVI était très critique vis-à-vis de la « dictature de l’émotion », François a préféré les périphéries, les gestes concrets, la beauté accessible. Ainsi renonça-t-il à la résidence de vacances des papes à Castel Gondolfo pour l’ouvrir au public dès 2016. Son héritage culturel reste celui d’un pape jésuite et argentin, habité par le goût de l’altérité, convaincu que la culture n’est vivante que lorsqu’elle devient fraternelle.