Le souverain pontife, décédé le 21 avril, a promu une attitude d’ouverture de l’Église vers le monde de la Culture.
Italie. « L’art n’est pas un luxe », mais « une nécessité de l’esprit », lançait il y a quelques mois à peine le pape François à l’occasion du jubilé des artistes. « L’art n’est pas une fuite », mais « une responsabilité, un appel à l’action, un avertissement, un cri. L’artiste est celui ou celle qui a la tâche d’aider l’humanité à ne pas perdre sa direction, à ne pas perdre l’horizon de l’espérance ». Au cours des douze années de son pontificat, le souverain pontife, décédé le 21 avril dernier, aura aussi renouvelé le lien entre l’Église catholique et le monde de la culture. Un lien indéfectible de plus de deux millénaires tant la foi fut une des principales sources d’inspiration des artistes, et leurs œuvres un vecteur indispensable du message religieux.
Si l’engagement social reste la pierre angulaire de l’action de François, la culture représente un élément essentiel de sa pastorale. Des prisons à la chapelle Sixtine en passant par les pavillons de la Biennale de Venise, il attribua à l’art un rôle actif dans la mission de l’Église, enjoignant les artistes à être des « témoins spirituels de notre époque » dans une attitude plus inclusive tournée vers les « périphéries géographiques et existentielles » qui lui étaient si chères. En promouvant une attitude d’ouverture et non une posture défensive, il a engagé une rupture avec ses prédécesseurs. Jean-Paul II assignait à la culture un espace d’affirmation de l’identité chrétienne dans un monde de plus en plus sécularisé. Benoît XVI lui conférait la place de bastion des valeurs chrétiennes face aux dérives du relativisme contemporain. François préférait exhorter les artistes «à construire des ponts, à créer des espaces de rencontres et de dialogues, à éclairer les esprits et à réchauffer les cœurs ».
Deux ans à peine après son élection, le pape publie en 2015 La mia idea di Arte, un ouvrage écrit avec Tiziana Lupi dans lequel il développe sa conception de l’art. Celui-ci doit à la fois être un instrument d’évangélisation (la chapelle Sixtine est selon lui une« Bible ouverte que tous peuvent lire ») mais aussi un pont entre les peuples et les cultures pour s’opposer à la culture du rejet. François qui proclamait sa volonté dès son élection « d’ouvrir grandes les portes de l’Église » nourrissait le même espoir pour les musées. « Ils doivent être un instrument de dialogue entre les cultures et les religions, un instrument de paix, écrivait-il. Être vivants ! Non pas des collections poussiéreuses du passé réservées aux “élus” et aux “sages”, mais une réalité vitale qui sait préserver ce passé pour le raconter aux gens d’aujourd’hui, à commencer par les plus humbles, et se préparer ainsi, tous ensemble, avec confiance au présent et aussi à l’avenir ».
François a ainsi organisé, en 2015, une visite des musées du Vatican pour 150 sans-abris de Rome, comme symbole d’un rapport inclusif à l’art capable de briser les barrières économiques, culturelles et sociales. En 2021, il imposait de nouvelles ouvertures au public du patrimoine artistique du Vatican avec le palais du Latran, résidence historique des papes jusqu’alors fermée à la visite. Toujours dans un souci d’ouverture et de dialogue, mais interreligieux cette fois, François restituait à la Grèce, en 2023, trois fragments des marbres du Parthénon longtemps conservés dans les musées du Vatican. Des musées à la tête desquels il nommait, en 2017, une femme : l’historienne de l’art et muséologue Barbara Jatta. Une ouverture qui concerne également la structure administrative de la Curie. Alors que ses prédécesseurs avaient maintenu une organisation rigide et distincte entre le Conseil pontifical de la Culture d’un côté et la Congrégation pour l’Éducation catholique de l’autre, il les fusionne en 2022. Le nouveau dicastère pour la Culture et l’Éducation est confié au cardinal José Tolentino de Mendonça, un éminent intellectuel considéré comme une des voix les plus importantes du catholicisme contemporain.
En 2023, le pape s’était adressé à 200 artistes, réunis dans la chapelle Sixtine, à l’occasion du 50e anniversaire de la collection d’art contemporain des musées du Vatican. Écrivains, peintres, réalisateurs, musiciens… étaient rassemblés non pas pour célébrer la beauté, mais pour réfléchir à sa signification aujourd’hui. À cette occasion, François les avait définis comme des « sentinelles de la transcendance », capables d’ouvrir de nouvelles voies dans le langage de la foi et dans la compréhension du monde. L’année suivante, il était le premier souverain pontife à visiter la Biennale d’art contemporain de Venise à laquelle le Saint-Siège ne participe que depuis 2013, année de son élection. Le pavillon du Saint-Siège, installé à l’intérieur de la prison pour femmes de la Giudecca, rassemblait des œuvres de Maurizio Cattelan, Bintou Dembélé, Simone Fattal, Sonia Gomes, ou encore Claire Tabouret. Il proposait une réflexion sur les droits humains et la dignité, principaux thèmes du pontificat de François qui exprimait à cette occasion sa crainte que le marché puisse vider l’art de son potentiel éthique.
Il appelait de ses vœux un art capable de redonner de l’espace à la voix des femmes et de générer de nouvelles possibilités de rencontres. Lors de la messe pour le jubilé des artistes en début d’année, l’une de ses dernières apparitions publiques, François affirmait considérer les artistes comme « les gardiens de la beauté qui savent se pencher sur les blessures du monde, qui savent écouter le cri des pauvres, des souffrants, des blessés, des emprisonnés, des persécutés, des réfugiés ».
Des thèmes auxquels il avait été éveillé, en regardant enfant et adolescent les films néoréalistes italiens. Une passion pour le cinéma qu’il devait révéler lors d’une visite prévue à Cinecittà en février dernier, la première d’un souverain pontife. La maladie l’en a empêché. À l’annonce de la mort de Jorge Mario Bergoglio, le ministre de la Culture Alessandro Giuli a été l’un des premiers à réagir pour exprimer la « reconnaissance du monde de la culture italienne, entre autres, pour son appel à la beauté comme moyen d’élévation spirituelle pour son soutien à la protection de l’art et de la mémoire historique ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le pape François et l’art, un renouveau assumé
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Le pape François et l’art, un renouveau assumé









