Japon - Tourisme

Les touristes indélicats bannis du cœur de Kyoto

Par Michel Temman, correspondant au Japon · Le Journal des Arts

Le 8 avril 2024 - 514 mots

KYOTO / JAPON

Avec la fin du Covid, les touristes reviennent en masse à Kyoto, parfois au mépris des habitants et de leurs rites ancestraux.

Geikos dans le quartier de Gion à Kyoto. © Pxhere
Geikos dans le quartier de Gion à Kyoto.
© Pxhere

Kyoto (Japon). Branle-bas de combat dans les ruelles de Gion ! Ce carré parmi les plus fragiles et les plus délicats de Kyoto ne supporte plus le vacarme et le désordre causés par l’arrivée massive et croissante des vagues de touristes étrangers déferlant chaque jour par milliers. À l’orée du printemps et des cerisiers en fleurs, dans les « ochaya », ces maisons de thé où les geikos – les dernières geishas (littéralement « personnes de l’art ») du Japon –, qui perpétuent leurs traditions ancestrales, aspirent à la sérénité.

À compter du mois d’avril, les « visiteurs extérieurs » à Gion, cœur historique où le tourisme de masse est perçu par certains habitants – comme ailleurs à Kyoto –, comme une plaie, voire une tragédie, seront bannis. Ils ne pourront plus emprunter certaines allées sublimes où, à la tombée du jour, ils pouvaient apercevoir, prendre en photo et filmer les « geikos », les ambassadrices du « monde flottant » hérité des siècles passés, d’autant plus majestueuses dans leurs kimonos multicolores quand elles sautillent sur leurs « pokkuri » (hauts socques de bois). Les geikos maquillées selon les rites – fond de teint blanc porcelaine et rouge écarlate aux lèvres – vivant pour les plus jeunes, à Gion, dans des « okiya » (résidence des « maikos », les apprenties geikos), ne sont pas à l’origine de l’interdiction. Faisant part de leur « désespoir », ce sont les résidents du quartier de l’ex-capitale du Japon (elle le fut durant mille ans, jusqu’en 1868) qui, depuis le printemps 2023 et le retour des touristes, se sont plaints auprès des autorités locales de la « mauvaise conduite » et de « l’attitude irresponsable » de ces touristes trop nombreux et trop bruyants ou manquant de tact. Alors que l’art des geikos est à l’inverse celui du « maintien ».

10 000 yens d’amende pour une photo volée

Un peu partout dans Gion, des écriteaux informent les touristes, en plusieurs langues, de l’impossibilité de s’approcher des geikos, de les prendre en photo – ou pire, de toucher les soieries de leur kimono d’une valeur parfois inestimable. Autant de règles de bienséance parfois non respectées par les visiteurs, transformés en paparazzi les épiant ou les suivant sur plusieurs dizaines de mètres. Certains pénètrent même avec véhémence dans les « ochaya » en croyant qu’il s’agit de cafés ou de restaurants.

En décembre, un groupe de résidents de Gion a protesté auprès de la Ville et rappelé que « Gion n’est pas un parc d’attractions ». Leur donnant raison, les autorités ont décidé de sévir. La Ville de Kyoto agira courant avril, sans préciser dans le détail comment les mesures seront appliquées. Il est toutefois précisé que la longue et célèbre rue Hanamikoji, consacrée au shopping, qui scinde Gion, restera ouverte et accessible aux touristes – munis de leur carte de crédit !

Désormais, gare aux traqueurs de geikos et aux semeurs de troubles ! Ceux qui ne respecteront pas les consignes pourront encourir une amende de 10 000 yens [63 euros] pour une photographie non autorisée ou tout trouble à l’ordre local et ancestral.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : Les touristes indélicats bannis du cœur de Kyoto

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