Politique

POLITIQUE CULTURELLE

La Russie veut célébrer l’académisme par un nouveau prix

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · Le Journal des Arts

Le 6 décembre 2018 - 504 mots

MOSCOU / RUSSIE

Le ministère de la Culture va décerner l’an prochain des prix récompensant la tradition la plus conservatrice.

Andreï Kovaltchouk
Andreï Kovaltchouk, président de l'Union des artistes de Russie, devant le monument de l'impératrice russe Maria Alexandrovna dans la ville de Mariehamn
© D.R

Moscou. L’État russe acte son rejet de l’art contemporain en instituant un concours officiel pour l’art académique. Un prix annuel appelé « Tradition » sera décerné dès l’année prochaine aux meilleurs représentants de l’académisme, œuvrant selon les canons esthétiques du XIXe siècle. Le nouveau concours est organisé par le département des beaux-arts du ministère de la Culture (Rosizo) et recevra un soutien financier de l’État.

Les contours du projet ont été dévoilés en catimini le 15 novembre dernier, en marge du Forum Culturel de Saint-Pétersbourg, par la directrice de Rosizo et peintre, Vera Lagoutenkova, flanquée du président de l’Union des artistes de Russie, le sculpteur Andreï Kovaltchouk. Tous deux au style très académique ont justifié la création du prix par la nécessité de casser le monopole de l’art contemporain actuel. « Innovation », le seul prix d’État pour l’art, décerné depuis 2005, possède à leurs yeux le défaut d’exclure les « artistes ayant reçu un diplôme supérieur, mais travaillant de manière plus classique ».

Selon Vera Lagoutenkova, Rosizo « fait déjà beaucoup pour soutenir l’art contemporain et il est temps maintenant de soutenir la puissante tradition visuelle russe, qui est de plus en plus populaire ces dernières années ». Rosizo a absorbé il y a deux ans le Centre national d’art contemporain, déclenchant une belle polémique. Connue pour son soutien actif à la campagne présidentielle de Vladimir Poutine et pour des tableaux représentant des scènes campagnardes, Vera Lagoutenkova a exclu l’art abstrait et le réalisme socialiste (qui ont dominé le XXe siècle russe). Le prix devra récompenser ce qu’elle définit par un oxymore : « de l’art classique moderne ». De son côté, Kovaltchouk n’a pas exclu que, à l’avenir, les prix « Tradition » » et « Innovation » soient réunis en un seul prix.

C’est peut-être pour anticiper cette fusion que le prix « Tradition » est calqué sur « Innovation » : il sera décerné dans sept catégories : peinture, dessin, sculpture, arts décoratifs et appliqués, arts décoratifs monumentaux, livre sur les arts visuels et exposition de l’année. Il y aura également trois catégories spéciales : contribution à la formation professionnelle ; contribution au développement du design ; enfin le prix honorifique récompensant un artiste académique ayant exercé une influence sur le développement de l’art. On attend le résultat avec impatience !

Le jury sera au moins épargné par la fastidieuse tâche de sélectionner les artistes. Ce travail sera en grande partie effectué par les institutions éducatives et professionnelles (héritées de l’Union soviétique et fort peu réformées depuis), ainsi que par un conseil d’experts. La cérémonie de remise des prix se déroulera au cours du prochain forum culturel de Saint-Pétersbourg en novembre 2019. Les vainqueurs recevront chacun 500 000 roubles (6 600 euros, comparable au prix « Innovation ») et participeront à une exposition des lauréats. De son côté, le prix « Innovation » depuis qu’il a perdu son indépendance vis à vis du ministère de la Culture il y a deux ans, récompense de plus en plus des œuvres débarrassées de toutes aspérités polémiques ou dérangeantes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : La Russie veut célébrer l’académisme par un nouveau prix

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