Alors que les musées de la Tate sont déficitaires en raison d’une chute de la fréquentation, les syndicats refusent l’augmentation de 3 % qui est proposée aux salariés.

Londres. L’exposition « Turner & Constable », l’un des événements majeurs de la Tate Britain cette année, ouvre le 27 novembre. Mais elle pourrait être perturbée : le personnel du réseau de musées de la Tate a démarré un mouvement de grève prévu du 26 novembre au 2 décembre. Plus de 150 membres du PCS, le syndicat qui a voté en faveur du mouvement à 98 %, devraient y participer. L’ensemble des musées du réseau à Londres, St Ives (sud-ouest de l’Angleterre) et Liverpool (nord-ouest) est concerné. Si aucun blocage n’est prévu, des piquets de grève doivent décourager les visiteurs d’entrer.
Au cœur de la contestation se trouve la question des salaires. Le PCS refuse l’augmentation de 3 % de la Tate, jugée « insultante ». Selon l’organisme, 72,2 % des membres employés par le groupe estiment que leur salaire actuel ne couvre pas leurs besoins essentiels. En réponse, la Tate a expliqué que la meilleure façon d’investir dans le personnel était de « maintenir un modèle financier durable ». Or, depuis la pandémie de Covid-19, le réseau fait face à des difficultés économiques liées en grande partie à une baisse de fréquentation (6 millions de visiteurs en 2024-25 contre 8,26 millions en 2019-2020). Auxquels s’ajoutent l’inflation et des pressions économiques de toutes sortes. Cet organisme public autonome, sous le parrainage du ministère de la Culture, fonctionne comme une charity, soit un organisme à but non lucratif. Si le statut apporte quelques avantages fiscaux, les subventions de l’État ne représentent que le tiers des ressources (54 M£, soit 61 M€ pour 2024-2025) ; son exercice fiscal démarre le 1er avril et se termine le 31 mars de l’année suivante. Cette même année, les recettes commerciales, incluant les dons et legs, étaient de 113,2 M£ (128,6 M€).
Au début de l’automne 2024, un examen des opérations de la situation a été mené pour optimiser les résultats. Un plan de licenciement a été annoncé au printemps concernant une quarantaine de postes. Selon la Tate, cette « rationalisation » des effectifs s’est réalisée par le non-remplacement des postes vacants (critiqué par le PCS), des départs volontaires et un seul licenciement « sec ».
Le syndicat rappelle que ce plan s’inscrit dans une liste de décisions venues dégrader les conditions de travail. En 2020, la Tate a annoncé la suppression de 120 emplois dans ses musées, quelques mois après avoir opéré 300 licenciements dans ses activités commerciales (boutiques, restaurants, éditions...). En 2021, l’accès au régime de retraite de la fonction publique a été retiré aux nouveaux employés du groupe. Au lieu d’obtenir une rente à vie, ils auront une pension dont la durée et le montant sont en fonction du capital accumulé. Enfin, en 2024, la Tate a offert une augmentation de salaires en dessous du niveau de l’inflation.
Mais comme l’exercice 2024-2025 s’est terminé par un déficit opérationnel de près de 5 M£ (5,7 M€), il a bien fallu puiser dans les réserves (qui s’élèvent à 14 M£, 16 M€) pour payer les charges. Les administrateurs ont du voter une autorisation en ce sens.
Le conseil d’administration espère rectifier cette situation dans les deux ans à venir. Un fonds de dotation pour la recherche et les acquisitions a été lancé en juin pour lever 150 M€ (170 M€) d’ici à 2030. La Tate va tenter d’augmenter ses revenus propres par la billetterie, les boutiques ou encore des événements. De façon paradoxale, le réseau confirme sa volonté de conserver l’accès gratuit à ses collections permanentes, une pratique officialisée en 2001 outre-Manche. L’augmentation des revenus pourrait passer par des accès premium aux expositions et par l’organisation de blockbusters, comme la rétrospective Frida Khalo prévue en 2026 à la Tate Modern. C’est dans ce cadre qu’ont été définis les 3 % d’augmentation salariale proposés au PCS. Pour la Tate, il s’agit même d’un effort important, alors que les directeurs ont accepté de ne pas être augmentés pour contribuer à l’équilibre des coûts globaux. Les négociations risquent d’être difficiles.
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La grève à la Tate illustre la difficile situation du réseau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°666 du 28 novembre 2025, avec le titre suivant : La grève à la Tate illustre la difficile situation du réseau









