Politique culturelle

La France adhère au deuxième protocole de la convention de La Haye de 1954

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 2 décembre 2016 - 851 mots

PARIS [02.12.16] – Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence d’Abou Dhabi, la France va enfin adhérer au deuxième protocole de la convention de l’UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954, dite convention de La Haye.

Lors du Conseil des ministres du 30 novembre, le ministre des Affaires étrangères et du Développement international a présenté un projet de loi autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Car si la France avait signé et ratifié le 7 juin 1957 la Convention de La Haye et son premier Protocole additionnel adoptés le 14 mai 1954, elle n’avait pas signé le second Protocole adopté le 26 mars 1999.

Cette décision intervient alors que la France organise, en partenariat avec les Emirats arabes unis, une conférence internationale pour protéger les biens culturels de l'humanité en péril, les 2 et 3 décembre à Abou Dhabi. A cette occasion, François Hollande doit visiter le site du Louvre Abou Dhabi – dont l’ouverture a été repoussée une énième fois à 2017 – et les deux pays lanceront un « réseau de refuges pour les œuvres en danger ». La création d'un fonds international pour la protection du patrimoine en danger doté de 100 millions de dollars a aussi été annoncée.

Lancer une telle initiative, alors même que tous les instruments internationaux ne sont pas activés, n’aurait pas été de bonne politique. Dix-sept ans après l’adoption du deuxième protocole, la France se décide donc à franchir le pas, même si l’Etat affirme « appliquer déjà en pratique les dispositions de ce protocole en matière de respect des biens culturels, lorsqu’elle est engagée dans des conflits armés. »

Paradoxalement, ce protocole prévoit – à l’article 29 - la constitution d’un fonds mondial pour la protection des biens culturels, pour « accorder une assistance financière ou autre pour soutenir les mesures préparatoires et autres à prendre en temps de paix » et « accorder une assistance financière ou autre pour soutenir des mesures d’urgence, des mesures provisoires ou toute autre mesure de protection des biens culturels en période de conflit armé ou de rétablissement suivant immédiatement la fin des hostilités ». Les contributions à ce fonds pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé sont volontaires. A ce jour, 127 pays ont ratifié ou au moins adhéré à la convention de La Haye de 1954 ; parmi eux, 69 ont ratifié et / ou adhéré à son deuxième protocole.

Au-delà de la création d’un fonds pour la protection du patrimoine, l’intérêt du deuxième protocole de convention de l’UNESCO de 1954 réside dans le régime de « protection renforcée » pour certains biens relevant du patrimoine culturel « de la plus haute importance pour l'humanité », biens qui sont protégés par des dispositions légales adéquates au niveau national et qui ne sont pas utilisés à des fins militaires. Il instaure également un principe de responsabilité pénale individuelle pour ceux qui s’attaqueraient à ces biens, charge aux Etats de qualifier et définir les peines pour ces infractions.

On notera que la Cour Pénale Internationale (CPI) a jugé le 27 septembre dernier, que la destruction du patrimoine culturel était considérée comme un crime de guerre, sur le fondement des incriminations – crimes de guerre – prévues à l’article 8 de ses statuts (Statut de Rome,1998), un jugement historique qui s’articule au deuxième protocole de la convention de La Haye. Le jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi a ainsi été condamné à 9 ans de prison pour avoir détruit en 2012 des mausolées classés au patrimoine mondial de l'humanité à Tombouctou.

La convention de l’UNESCO de 1954 et son premier protocole prévoyaient déjà l’immunité des biens culturels sous protection spéciale (article 9) à certaines conditions énumérées à l’article 8, comme par exemple à condition qu’ils ne soient pas utilisés à des fins militaires mais le texte n’incriminait pas les infractions commises à l’encontre de ces biens. En outre, la protection spéciale n’était octroyée qu’à « un nombre restreint de refuges destinés à abriter des biens culturels meubles en cas de conflit armé, de centres monumentaux et d'autres biens culturels immeubles de très haute importance ». Que le bien soit placé sous protection spéciale ou protection renforcée, les Etats parties doivent inscrire ces biens dans un registre international.

En juillet 2015, en réponse à une question écrite de la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam relative à l’adhésion de la France au deuxième protocole, le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international avait répondu : « Le choix de la France de ne pas adhérer à ce protocole avait été motivé par les problèmes qu'il soulevait au regard de la conduite des opérations militaires et du droit pénal français. En effet, certaines de ses dispositions vont au-delà de ce que prévoit le droit humanitaire classique (en particulier le protocole I additionnel aux conventions de Genève de 1977), et contiennent des notions (comme celle de légitime défense immédiate à l'article 13) a priori inconnues du droit français. »

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Ministère français des Affaires Etrangères © Photo Jebulon - 2011 - Licence CC0 1.0

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