Entreprise

Culturespaces qui soupire et Culturespaces qui sourit

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2021 - 829 mots

L’entreprise se console d’avoir perdu ses sites nîmois avec le développement international de ses expositions immersives.

La Maison carrée de Nîmes. © Spiterman, 2011, CC BY-ND 2.0
La Maison carrée de Nîmes.
Photo Spiterman, 2011

Paris. Mauvaise période pour Culturespaces qui sort de la crise du Covid-19 avec une perte de 14 millions en 2020 et qui va parvenir tout juste à l’équilibre en 2021. « Le chômage partiel n’a pas été suffisant pour couvrir nos coûts malgré la fermeture des lieux, explique son président-directeur général Bruno Monnier, heureusement que nous avions des réserves. » Mais à peine voit-il le bout du tunnel, qu’il vient d’apprendre la fin de la délégation de service public de ses trois sites à Nîmes (dès le 1er novembre prochain) : l’amphithéâtre, la Maison carrée et la tour Magne.

Un coup dur pour la filiale d’Engie qui gérait ces monuments prestigieux depuis 2006. Bruno Monnier est d’autant plus amer qu’il a perdu l’appel d’offres face à un parfait inconnu dans le monde culturel : la société Edeis qui gère… des aéroports. Edeis est cependant connu des élus, puisque c’est elle qui gère l’aéroport de Nîmes. L’entreprise s’est engagée à augmenter la fréquentation en 2024 de 180 000 visiteurs par rapport à 2019. « Nous sommes surpris et déçus de ce choix pour un opérateur qui n’a aucune expérience dans la culture », souligne Bruno Monnier qui a déposé un recours devant le tribunal administratif. Autre coup dur : la charge de la Cour des comptes [lire encadré ci-dessous].

Une marque française bientôt dans le monde entier

Mais ces revers ne mettent pas en péril Culturespaces qui a trouvé un nouveau filon avec ses Ateliers lumières. Ces lieux mi-récréatifs mi-culturels font le plein et ses trois sites ont attiré près de 1,4 million de visiteurs en 2019. Un modèle économique très rentable, car une fois les coûts d’acquisition et de travaux des lieux, et les coûts de création des expositions immersives amortis, les frais par visiteur sont faibles et, avec de telles fréquentations, les marges sont élevées. Au point que maintenant les trois sites « Lumières » contribuent à plus de 75 % au résultat d’exploitation.

Et le meilleur reste à venir. Culturespaces est bien décidé à ouvrir d’autres sites dans les principales villes du monde. « Nous voulons être les premiers pour ne pas laisser le champ libre à des expositions numériques bas de gamme qui pourraient décevoir les visiteurs et les dissuader de venir chez nous. » Allusion directe aux deux lieux concurrents qui viennent d’ouvrir à New York [lire le JdA n° 569] et qui sont, selon Bruno Monnier, « très médiocres et déceptifs ». La feuille de route est déjà chargée : Dubaï très prochainement, Séoul en janvier 2022, Amsterdam en avril et New York en juin. Les modes opératoires s’adaptent aux conditions locales : franchise à Dubaï et Séoul, partenariat (avec IMG, le propriétaire de Frieze) à New York ou gestion directe à Amsterdam. Décliné sous la marque qui restera en français « Lumières », ce réseau est en passe de devenir le premier opérateur culturel français dans le monde.

Une diversification bienvenue au moment où le développement de Culturespaces dans son métier de base fait du surplace. « Les collectivités estiment être montées en compétences et sont de ce fait moins désireuses de confier leurs sites à des sociétés extérieures, explique Bruno Monnier, et dans le même temps l’ouverture de lieux en propre, comme à l’hôtel de Caumont à Aix-en-Provence s’avère difficile à équilibrer en raison des coûts d’acquisitions et de travaux. »

D’ailleurs, en dehors de la société Kléber Rossillon, aucun acteur important nouveau n’est entré sur ce marché. Malgré une rentabilité moins élevée qu’avec les expositions immersives, Culturespaces tient à garder son activité muséale, avec son vaisseau amiral, le Musée Jacquemart-André. C’est dans l’ADN de l’entreprise et cela donne de la crédibilité aux expositions « Lumières ».

Villa Ephrussi, la réponse de Culturespaces à la Cour des comptes  


Patrimoine. La Cour des comptes a rudement et à plusieurs reprises critiqué Culturespaces dans son rapport sur l’Institut [lire le JdA n° 572], ajoutant même que l’entreprise n’avait pas répondu à ses sollicitations. En réalité, Culturespaces a bien adressé à la Cour un long document détaillé [que le JdA a consulté]. La Cour reproche en particulier à Culturespaces de « laisser à l’abandon depuis plusieurs années la Villa Ephrussi à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes) ».

Culturespaces rétorque que la conservation du bâtiment est du ressort de l’Académie des beaux-arts, propriétaire du site, de l’architecte des Monuments historiques et de la Drac et qu’elle leur a signalé à plusieurs reprises les risques d’effondrement des arcades de soutènement de la terrasse ouest. L’entreprise rappelle qu’elle participe aux financements des travaux, soit 1,6 million d’euros ces dernières années.

La Cour estime le montant total des travaux à 3 millions d’euros et recommande de mettre fin au contrat du délégataire avant son terme dans trois ans. Bruno Monnier confirme que des discussions entre avocats sont en cours. Les magistrats préconisent de fermer la villa pendant les travaux alors que Culturespaces estime qu’il est possible d’effectuer les travaux en site ouvert, permettant ainsi de continuer à percevoir des recettes commerciales.

 

Jean-Christophe Castelain

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°576 du 29 octobre 2021, avec le titre suivant : Culturespaces qui soupire et Culturespaces qui sourit

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