Histoire de l'art

Rétrovision

1867, À l’exposition universelle de Paris, le japonisme déferle sur les arts

Par Jean-Luc Toula-Breysse · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2017 - 672 mots

Astana au Kazakhstan organise en juin prochain son Exposition universelle. 150 ans auparavant, Paris accueillait les cultures du monde entier lors de sa deuxième exposition. C’est le début du japonisme.

EXPOSITION UNIVERSELLE - La fascination que le Japon exerce sur l’Occident débute paradoxalement par un coup de force des États-Unis, qui exigent sans ménagement l’ouverture des frontières de l’Archipel. En 1853, sous la pression militaire du commodore américain Matthew C. Perry, l’empire insulaire fut contraint de sortir de son isolement et d’entrer dans ce qui va devenir la modernité occidentale. En 1862, deux diplomates, un Français et un Britannique, avaient présenté quelques pièces du pays du Soleil-Levant à l’exposition de Londres. Mais l’Exposition universelle parisienne de 1867 est alors la première à recevoir une délégation officielle japonaise. Pour le public parisien, c’est du jamais vu.

Les objets nippons enchantent le Champ-de-Mars. Tissus, laques, céramiques et ivoires ravissent les visiteurs. L’occasion de découvrir les katagami, pochoirs utilisés pour teindre les étoffes. Cette technique ancestrale fait sensation dans le monde de la mode. Elle sera source d’inspiration de nombreux créateurs de l’Art nouveau et de l’Art déco, à l’exemple de René Lalique. Les arts du Japon sont remarqués par quelques esthètes, dont Charles Baudelaire qualifiant de « japoneries » ces formes traditionnelles vues comme résolument contemporaines. La grande vague du japonisme déferle sur l’Europe. Les Européens s’entichent des estampes de l’école ukiyo-e, ces images du monde flottant. Installés à Paris, les marchands d’art Siegfried (dit « Samuel ») Bing et Hayashi Tadamasa joueront dans la décennie qui suit un rôle majeur dans la propagation de ces gravures sur bois. Elles suscitent un vif intérêt auprès des collectionneurs, peintres et littérateurs. Le trait de l’impénitent voyageur et paysagiste Hiroshige Utagawa (1797-1858), du vieux fou de dessin Hokusai Katsushika (1760-1849) ou du portraitiste de la vie Utamaro Kitagawa (1753-1806) révèle de nouveaux horizons picturaux.

Un exotisme qui fait des émules
Ce style extrême-oriental stimule les créateurs en quête d’un renouveau esthétique. Claude Monet, bien qu’il n’eût jamais séjourné au Japon, connaît l’univers des maîtres nippons. Le chef de file de l’impressionnisme dit « avoir acheté autrefois en paquets, pour quelques francs, en Hollande » ses premières gravures qu’il conservera dans sa maison à Giverny. Il partage cet engouement avec ses contemporains, les hommes de lettres Jules et Edmond de Goncourt. Ce dernier écrivit deux monographies : Outamaro, le peintre des maisons vertes (1891) et Hokousaï : l’art japonais au XVIIIe siècle (1896). Vincent Van Gogh reprendra, lui, dans ses œuvres des principes de composition des estampes ukiyo-e. Le sculpteur Auguste Rodin disait de ses propres dessins que : « C’est de l’art japonais avec des moyens d’Occidental… » Son goût pour l’estampe, sa passion pour le japonisme, sa rencontre avec la discrète danseuse Hanako, son admiration pour la célèbre actrice Sadda Yakko conduisent l’amoureux des corps féminins à aborder les rives d’un Japon métamorphosé. Edgar Degas, Édouard Manet, Félix Vallotton, Henri de Toulouse-Lautrec, Émile Gallé, Hector Guimard... rêvent un Japon proche et lointain. De l’impressionnisme à l’Art déco, comme l’écrivait Edmond de Goncourt dans son journal, en 1884, « le japonisme était en train de révolutionner l’optique des peuples occidentaux… »

L’Exposition universelle de Vienne, en 1873, au regard de l’aménagement d’un jardin japonais, fut un élément important pour l’art autrichien. Le japonisme inspire la Sécession viennoise. Gustav Klimt à l’image du Baiser et des motifs semblant sortir d’un kimono et Josef Hoffmann, architecte et designer, figure charnière entre l’Art nouveau et l’Art déco, en témoignent sans méprise. À l’Exposition universelle de Paris, en 1878, l’industriel lyonnais Émile Guimet présente des objets japonais, au Trocadéro, suite à sa mission d’enquête sur les religions orientales qui l’a mené, en compagnie du peintre Félix Régamey, à débarquer à Yokohama. Le vent artistique japonais souffle sur les capitales européennes avant d’arriver, outre-Atlantique, à Chicago avec l’Exposition internationale de 1893. Parmi la foule, l’architecte américain Frank Lloyd Wright fut si impressionné au pavillon de l’empire insulaire par la réplique du bâtiment principal (hôôdo ou pavillon du phénix ) du célèbre temple Byôdô-in, situé à Uji près de Kyoto, qu’il restera à jamais sensible aux lignes et aux volumes des constructions nipponnes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : 1867, À l’exposition universelle de Paris, le japonisme déferle sur les arts

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