La succession Wildenstein, « industrie de l’évasion fiscale »

Par Thomas Bizien · lejournaldesarts.fr

Le 16 mars 2012 - 569 mots

PARIS [16.03.12] - Des révélations sont attendues dans l’essai que sort le 16 mars Claude Dumont-Beghi. Retraçant les péripéties de la succession Wildenstein, l’avocate chargée de la défense de la veuve du marchand d’art dénonce la « chape de plomb » qui recouvrirait encore l’affaire. PAR THOMAS BIZIEN

Claude Dumont-Beghi, avocate de feu Sylvia Roth, l’épouse de Daniel Wildenstein, revient dans un ouvrage publié le 16 mars 2012, sur les péripéties de la succession du célèbre marchand d’art. Une affaire qui, selon l’avocate, serait révélatrice de « l'industrie de l'évasion fiscale ». L’ouvrage entend ainsi éclaircir les nombreuses zones d’ombre qui entourent toujours cette succession, ouverte il y a pourtant plus de dix ans. Il veut aussi démontrer les mécanismes qui ont permis l'évasion fiscale de l’important héritage. « Je suis étonnée que l'on parle si peu de l'affaire Wildenstein, pourtant symbolique et emblématique de ce qui est devenu insupportable en matière de droit et d'éthique » a confié l’avocate à l’AFP.

Claude Dumont-Beghi est chargée en 2003 par Sylvia Roth, la veuve de Daniel Wildenstein, de la défense de ses droits de succession, présumés spoliés par ses deux beaux-fils, Alec et Guy. Après avoir forcé bien des portes, l’avocate démontre que les 43 millions d'euros initialement déclarés au FISC par les deux fils du marchand ne représentent qu’à peine un pour cent de la fortune des Wildenstein, estimée aujourd’hui à plus de 4 milliards d’euros. Bien que Sylvia Roth soit décédée en 2009, l’avocate poursuit son investigation jusqu’à déposer la même année trois plaintes à l’encontre de Guy Wildenstein.

Guy Wildenstein, dernier héritier vivant de Daniel, est depuis soupçonné d'avoir dissimulé une partie de la fortune familiale en conservant hors de la succession des toiles de maître. Claude Dumont-Beghi l'accuse d'avoir sciemment omis de les intégrer à l’héritage en les plaçant dans des trusts, fonds privés hébergés par des paradis fiscaux. « Comme les tableaux qui circulent à travers le monde échappent ainsi à l'impôt, les trusts sont un véhicule parfait de l'évasion fiscale », argumente Maître Dumont-Beghi.

Guy Wildenstein a été mis en examen en 2011 pour recel d'abus de confiance. Quelques mois auparavant, les enquêteurs ont trouvé, lors d'une perquisition à l'institut Wildenstein, une trentaine d’œuvres d'art, auparavant déclarées comme « disparues » ou « volées ». En février 2012, les ayants droit Wildenstein ont également subi un redressement fiscal de 600 millions d'euros. « Cela signifie que 1,5 milliard d'euros a été réintégré dans la succession », se félicite Claude Dumont-Beghi, qui juge pour autant l'action de Bercy comme « un premier pas ». « La partie immergée de la fortune des Wildenstein mériterait quelques attentions supplémentaires », estime-t-elle. En ce sens, Maître Dumont-Beghi a déposé le 12 mars dernier une nouvelle plainte visant indirectement Guy Wildenstein. Elle le soupçonne d’avoir caché dans un trust une toile méconnue de Courbet, Personnage de l’atelier – Les amateurs du monde de l’art, découverte en 1948 et acquise dans des circonstances troubles.

Proche de Nicolas Sarkozy, Guy Wildenstein appartient au premier cercle des donateurs de l’UMP. Pour le remercier de ses services, le président l’élève en personne au rang de commandeur de la Légion d’honneur en 2009. Depuis 2010, Guy est également délégué de l’UMP pour la côte ouest des États-Unis. Il se préparerait en outre à devenir le candidat du parti présidentiel aux législatives de 2012 dans la circonscription couvrant le Canada et l’Amérique du Nord. L’acharnement de Claude Dumont-Beghi pourrait lui faire revoir ses ambitions, alors que la chasse à l’évasion fiscale est devenue l’un des thèmes dominant de la campagne présidentielle.

Légende photo :

- Claude Dumont-Beghi, L'Affaire Wildenstein, histoire d'une spoliation, éditions de L'Archipel, 2012, 240 p., 18,5 €

- Gustave Courbet, Personnages de l'atelier - Les Amateurs du monde de l'art, dit aussi Les Visiteurs mondains, vers 1854, huile sur toile, 180 x 110 cm.
Les propriétaires perdent la trace de cette oeuvre après l'avoir confiée pour examen à un marchand parisien dans les années 80. Ils découvrent en 2007 que le marchand, aujourd'hui décédé, l'aurait cédée en 1989, sans consentement des propriétaires, à Daniel Wildenstein pour 2 millions de francs.

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque