Musée - Palmarès

Une année de consolidation

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2014 - 1246 mots

Après l’euphorie des dernières années, le « carnet de notes » des musées en 2013 présente des résultats souvent en dessous de la moyenne : moins de visiteurs payants, moins d’expositions, moins de mécénat.

Malgré certains signes positifs, le bilan de santé des musées en 2013 révèle une situation plus difficile que les années précédentes. L’indicateur le plus suivi est naturellement la fréquentation, qui détermine de nombreux autres indicateurs. À périmètre constant (1), le nombre total de visiteurs n’a augmenté que de 0,58 % (39,2 millions) tandis que le nombre de visiteurs payants, plus représentatif de la réalité (22,6 millions), a baissé de 0,20 %. Des scores en apparence honorables dont les salles de cinéma qui souffrent d’une baisse de 5,3 % du nombre de spectateurs, se seraient bien contentées, mais qui cache des réalités contrastées. Ainsi cette quasi-stagnation fait suite à des années d’augmentation continue, hormis l’inflexion de 2010. L’augmentation était encore de 5,5 % en 2011 et de 2,7 % en 2012. Le trait le plus marquant est la baisse de fréquentation payante des quatre grands musées parisiens, dont les lecteurs réguliers des palmarès du Journal des Arts savent bien qu’ils pèsent lourd dans les statistiques globales (57 % des visiteurs payants par exemple). Cette baisse de 3,5 % fait suite à une hausse de 5,7 % en 2012. Sans les majors parisiens, la fréquentation totale aurait augmenté de 2,6 %. Des résultats sans doute meilleurs encore si l’on avait ajouté les entrées des nouveaux musées marseillais, qui ne participent pas cette année à l’enquête pour cause d’ouverture tardive dans l’année. Pour autant cela n’a pas pénalisé les recettes commerciales qui ont augmenté de 3 % (282 millions d’euros), une hausse en partie alimentée par l’augmentation des prix d’entrée.

Moins d’expositions
La stagnation du nombre de visiteurs est à mettre en relation avec la baisse du nombre d’expositions de -4 %, une baisse plus importante encore si l’on ne prend en compte que les expositions avec catalogue : -11 %. Alors que de nombreux conservateurs critiquent la dictature des expositions temporaires, il peut être rassurant de constater que la programmation de moins d’expositions n’entraîne pas une baisse prononcée de la fréquentation. Reste que cela ne fait pas les affaires de beaucoup de conservateurs qui considèrent justement ces manifestations comme des occasions de faire avancer la recherche en histoire de l’art, de se mobiliser sur un projet collectif et de se mettre avant. Cela ne satisfait pas non plus les administrateurs, car dans le même temps les dépenses pour ces expositions ont augmenté de 3 % à 82 millions d’euros. Moyennant quoi leur coût rapporté au nombre de visiteurs payants est passé de 3,51 € en 2012 à 3,62 € en 2013.

Chute du mécénat
La morosité se lit plus volontiers dans la baisse du mécénat. Amorcée il y a deux ans (-5 %), la baisse s’est amplifiée en 2013 (-10 %) à 50 millions d’euros, confirmant les clignotants allumés récemment par l’Admical. Si tous les directeurs de musées admettent ouvertement qu’il est de plus en plus difficile d’attirer des mécènes, en off ils s’interrogent sur la pérennité de cette source de financement, en soulignant la concurrence exacerbée entre établissements culturels auprès d’entreprises de plus en plus réticentes à afficher leur marque dans un secteur qui peut paraître superficiel dans le contexte économique du moment. Plusieurs grands musées se tournent alors plus franchement vers la location à l’étranger d’expositions clef en main. La demande augmente rapidement, notamment en Asie et en Amérique du Sud, et elle est plus gratifiante pour les conservateurs français, honorés avec beaucoup d’égards lorsqu’ils se rendent dans les musées d’accueil. C’est en tout cas plus valorisant que de faire la cour à des entreprises. La morosité ou l’attentisme se lit enfin dans le faible nombre de nouvelles applications pour smartphones : 43 en 2013 pour 36 en 2012. On a connu des courbes de pénétration des nouvelles technologies plus pentues ! Il faut voir dans ce lent développement tout à la fois, une méconnaissance des techniques utilisées, l’absence d’applications vraiment innovantes et la résistance des bons vieux audio guides physiques familiers aux visiteurs et au modèle économique bien établi.

Pour autant, le secteur reste toujours aussi dynamique à en juger par le nombre de nouveaux musées (Mucem ou Musée regards de Provence à Marseille) et plus encore par le nombre de musées rénovés en 2013 : Galliera, Musée des beaux-arts et Musée des arts décoratifs de Marseille, Musée de la faïence à Nevers, Musée de Valence, aile rénovée du Musée des beaux-arts de Bordeaux, Musée d’art et d’histoire de Bayeux etc. Et les ouvertures de 2014 (Soulages, Picasso) ne peuvent que confirmer que malgré sa croissance en berne, la France n’a pas sacrifié ses musées.

Note

(1) Pour coller au plus près de la réalité, toutes les évolutions indiquées dans ce dossier entre les chiffres 2012 et 2013 sont calculées sur les mêmes musées répondants (270) en 2012 et 2013. En revanche les chiffres globaux 2013 sont ceux de l’ensemble des répondants (329).

Le Louvre-Lens et le Centre Pompidou-Metz

Les deux antennes en région du Louvre et du Centre Pompidou ne figurent pas dans le palmarès car aucun des deux n’est un musée. N’ayant pas à gérer de collection permanente, leur score serait altéré par l’absence de points relatifs aux nombre d’œuvres ou de travaux scientifiques. Mais vu du côté du public, Lens et Metz ont toutes les apparences d’un musée des beaux-arts ou d’art moderne et contemporain, disposant même de parcours semi-permanents. À ne prendre en compte que le nombre de visiteurs, ils font jeu égal avec les plus grands musées de région. Les 300 000 visiteurs du Centre Pompidou-Metz sont comparables aux 282 000 visiteurs du Musée Fabre à Montpellier ou des 341 000 visiteurs du Musée des beaux-arts de Lyon. Le Louvre-Lens suivra-t-il le même destin que son homologue messin ? Avec 900 000 visiteurs pour sa première année d’ouverture (décembre 2012) il fait jeu égal avec les 600 000 visiteurs de mai à décembre 2010 de Metz.

Quel impact aura la réforme territoriale ?

La fusion des régions et la disparition des conseils départementaux vont-elles pénaliser ou au contraire soutenir le formidable développement que les musées connaissent en région depuis une vingtaine d’années ? La première question qui se pose est la répartition des compétences. La culture sera-t-elle partagée par toutes les collectivités ? En l’état actuel, on voit mal comment le législateur pourrait en dessaisir les communes qui gèrent déjà la grande majorité des musées, ni même les communautés de communes dont il entend muscler les leviers d’action. La région alors ? Si très peu de musées appartiennent aux Régions, celles-ci financent largement de nombreux équipements culturels. Le choc de simplification plaide en ce sens. Combien d’énergie dépensée aujourd’hui dans des tours de tables financiers interminables (Europe, État, Région, Département, Agglomération, Ville) où chaque structure mobilise des équipes pour étudier les dossiers. D’un autre côté, alors que le Gouvernement veut renforcer le rôle économique des régions, il serait malvenu de leur ôter la culture dont l’impact dans ce domaine n’est plus à démontrer. De la réponse à cette question, dépendra alors le choix de la structure d’accueil de la cinquantaine de musées départementaux (Le Mac/Val dans le Val-de-Marne, l’Historial de la Vendée, le Musée de Flandres à Cassel dans le Nord..) qui devront être transférés, soit vers les autres collectivités territoriales soit vers un établissement public à constituer. De belles batailles « clochemerlesques » en perspective.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Une année de consolidation

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