Patrimoine

Strasbourg entre deux rives

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2013 - 706 mots

STRASBOURG

Entre patrimoine et création, la cité alsacienne possède des atouts majeurs : la « belle bourgeoise », en pleine mutation, confirme sa place de capitale régionale.

Le charme presque intact des petites rues qui enserrent la cathédrale, dans l’écrin monumental du centre-ville, ferait presque oublier que Strasbourg vit avec son temps. Longtemps cantonnée à son image de carte postale, entre cigognes et cathédrale, la capitale alsacienne sort depuis quelques années de l’ombre et affirme enfin son statut de capitale culturelle. Assise sur un patrimoine exceptionnel, Strabourg a, avec raison, capitalisé sur son image d’Épinal, attirant touristes et curieux autour de la partie historique de la ville. Elle a protégé efficacement son patrimoine bâti : avec 70 sites classés et 304 sites inscrits au titre des monuments historiques, Strasbourg est la ville la plus patrimoniale de ce classement, ce qui explique en partie la part importante de son budget total, près du quart, que la municipalité consacre à la culture. L’inscription du cœur historique de la ville au Patrimoine mondial de l’humanité en 1988 a contribué à faire de Strasbourg une destination de choix pour le tourisme international (4 millions de visiteurs par an), mais a paradoxalement éclipsé les autres atouts culturels de la ville.

Vivier d'étudiants
La dizaine de musées strasbourgeois est l’une des forces majeures de la renommée de la cité : au Palmarès des musées 2013 du Journal des Arts, ils cumulent 1 228 points, devançant Lyon et Bordeaux, les premiers du classement des villes. Au-delà des musées « historiques », Musée de l’Œuvre Notre-Dame, adossé à la cathédrale, et Musée des beaux-arts, la Ville a ouvert en 1998 son Musée d’art moderne et contemporain, très actif, et, en 2007, le Musée Tomi-Ungerer, fruit de plusieurs dons de l’artiste depuis 1975.

En matière de soutien aux arts plastiques, la Ville, qui avait pris un certain retard jusque dans les années 1980, se veut volontariste : il y a dix ans, la ville a ouvert une vingtaine d’ateliers d’artistes (ce n’est pas très volontariste !). Mais les arts plastiques demeurent le parent pauvre de la culture dans la ville, alors que Strasbourg dispose d’un vivier significatif avec la Haute école des arts du Rhin (Hear), fruit de la réunion en 2011 de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, de l’École supérieure d’art de Mulhouse et de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg : 700 étudiants, et 20 diplômes délivrés dans le domaine de l’art. La Hear l’une des plus importantes écoles supérieures d’art en France, qui insuffle à la ville une créativité et un dynamisme particuliers, sans toutefois que les diplômés ne s’y installent durablement, faute de débauchés.

Graphistes et illustrateurs ne manquent pourtant pas dans la ville qui s’enorgueillit d’avoir accueilli Gutenberg. Les structures associatives qui ont germé ces dernières années s’efforcent de pallier cette faiblesse, mais ses acteurs déplorent une réelle volonté fédératrice au niveau de la Mairie. Car si la ville compte une dizaine d’antiquaires bien installés, les galeries d’art contemporain sont moins bien loties, les quelques collectionneurs présents franchissant plus volontiers le Rhin, attirés par Bâle ou Francfort-sur-le-Main.

Rééquilibrer les forces est un des objectifs affichés de St-Art, la foire d’art contemporain qui attire chaque année de plus en plus de visiteurs, sans toutefois atteindre une envergure nationale. Les ventes volontaires augmentent timidement : avec seulement 1,5 million d’euros, le chiffre d’affaires des ventes publiques peut paraître très faible. Ce résultat est dû en partie à une particularité historique : traditionnellement monopole des notaires et des huissiers de justice, le métier de commissaire-priseur n’est reconnu que depuis 2005 en Alsace. Strasbourg n’a donc pas de pratiques instituées en matière d’enchères, une donnée à laquelle certains s’efforcent de remédier, en essayant de faire bouger les mentalités (de quelle façon ?).

Le salut viendra-t-il de l’Est ? Des partenariats de plus en plus actifs se forgent avec l’outre-Rhin, au fur et à mesure que la cité digère son histoire. Dynamisée par la présence des institutions européenne, elle sort peu à peu d’une vision proprement alsacienne. Pour beaucoup, les alliances avec les forces vives de Bâle, Fribourg ou Karlsruhe,en Suisse et en Allemagne, entre manifestations et résidences d’artistes, devraient permettre à Strasbourg de bénéficier d’un vrai réseau transfrontalier, balbutiant mais en forte expansion.

Les articles du dossier : Le Palmarès artistique des grandes villes

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°401 du 15 novembre 2013, avec le titre suivant : Strasbourg entre deux rives

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