À Orléans, une usine pharmaceutique en sursis

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 14 février 2012 - 476 mots

ORLEANS [17.02.12] - L’ancienne usine Sandoz d’Orléans, construite par Tschumi père, pourrait céder la place à une salle polyvalente.PAR SOPHIE FLOUQUET

« Ce site est effroyablement moche. » Le commentaire, publié dans le quotidien local La République du Centre (12 janvier 2012), prononcée par le maire d’Orléans, Serge Grouard (UMP), en dit long sur la tonalité du débat qui anime depuis plusieurs semaines la ville. Il tranche en effet radicalement avec l’avis des signataires d’un texte s’opposant à la destruction de ce même site, parmi lesquels les architectes Jean Nouvel, Rudy Ricciotti et Christian de Portzamparc, mais aussi Marie-Ange Brayer, directrice du Fonds régional d’art contemporain (Frac) Centre, ou Kenneth Frampton, grand spécialiste de l’architecture du XXe siècle.

Construit en 1953, l’objet du scandale est l’ancienne usine Sandoz, aujourd’hui occupée par les laboratoires Famar, rare œuvre de l’architecte Jean Tschumi (1904-1962). Peu connu car il a assez peu construit, ce dernier – qui est aussi le père de l’architecte Bernard Tschumi – a été l’un des membres actifs du Mouvement moderne. Il a principalement œuvré pour les firmes Nestlé et Sandoz, suisses comme lui. L’une de ses réalisations, le siège de la société Sandoz – aujourd’hui Novartis – à Rueil-Malmaison, en région parisienne, achevé par Bernard Zehrfuss et Martin Burckhardt entre 1965 et 1968, fait déjà l’objet d’un programme de destruction.

Un même sort pourrait donc aujourd’hui être réservé à cette ancienne usine, vaste coquille de béton armé élevée sur un site de près de 4 hectares en bord de Loire. Le maire porte en effet le projet de construire, pour 103 millions d’euros, une vaste salle polyvalente de 10 000 places, l’« Arena », destinée notamment à l’accueil de manifestations sportives. Initialement prévue pour être construite sur l’hippodrome, son implantation a dû être révisée du fait de l’hostilité des riverains mais aussi de l’opposition municipale. Une offre d’achat du site Famar a déjà été formalisée par la Mairie pour un montant de 8,3 millions d’euros, l’entreprise quittant les lieux en 2013.

Demande de protection
Alertée par des universitaires américains, l’association « Présence de Jean Tschumi » a décidé de porter le fer sur le terrain du patrimoine. Une demande de protection au titre des monuments historiques a ainsi été adressée au préfet. Elle est en cours d’instruction à la direction régionale des Affaires culturelles du Centre. Le président de l’association, Philippe Colmet-Daâge, affirme ainsi réfléchir à une réaffectation de ce bâtiment de plusieurs milliers de mètres carrés, « aux surfaces facilement transformables », qui pourrait accueillir conjointement un projet culturel et des activités en lien avec l’ancienne activité pharmaceutique des lieux. En attendant, le maire joue la montre pour défendre son projet, dont l’éligibilité aux subventions de l’État sera examinée mi-février par le comité des grands équipements du ministère des Sports. À moins que le site ne soit entre-temps protégé par les services du ministère de la Culture.

Légende photo

L'usine Sandoz, Orléans, architecte Jean Tschumi - © photo Association Présence de Jean Tschumi

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : À Orléans, une usine pharmaceutique en sursis

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque