L’éviction de Bruno Maquart, prélude à une remise en cause du Palais de la découverte ?

Palais. « Un nouveau souffle, un nouveau projet » : dimanche 15 juin, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, traçait un cap pour le futur Palais de la découverte dans les colonnes du Monde. Problème : ce cap est déjà fixé, formalisé en une proposition muséographique sur laquelle les équipes du Palais de la découverte planchent depuis cinq ans, et un aménagement scénographique imaginé par un large groupement d’entreprises (mené par l’agence Phileas) qui doit passer en phase de travaux dès octobre prochain.

« On est un peu stressé », souffle-t-on dans l’une des entreprises de ce groupement, quelques jours après le limogeage brutal de Bruno Maquart, président-directeur d’Universcience – l’établissement réunissant la Cité des sciences et de l’industrie (CSI) et le Palais de la découverte –, le jeudi 12 juin. Ce dernier paye l’annonce à la presse d’une exposition consacrée à l’intelligence artificielle dans une galerie à l’affectation disputée entre Universcience, qui devait en faire l’espace d’exposition temporaire du Palais de la découverte, et le GrandPalais-RMN.

Tout comme la programmation de cette exposition, le contenu de la future muséographie du Palais de la découverte est publiquement connu de longue date, et doit donner lieu, dès octobre, à l’un des plus grands chantiers muséaux de la Capitale. « Tout est chiffré, les demandes d’autorisation de travaux sont déposées à la DRAC et nous sommes en phase de sélection des entreprises pour la rentrée, explique un membre de la maîtrise d’œuvre, sélectionné par concours, en décembre 2022. Universcience et le groupement de maîtrise d’œuvre ne travaillent pas du tout dans leur coin. Nous avons des réunions régulières avec le GrandPalais-RMN et François Chatillon, l’architecte du Grand Palais. Rien n’est caché. »

Cet important marché public, entré dans sa dernière phase, ne semble pas peser dans les réflexions du ministre de l’Enseignement supérieur et de la ministre de la Culture, évoquant tous deux un enjeu bâtimentaire. En creux, l’intervention du ministre évoque la réunion des deux entités d’Universcience sur le site de la Villette, dont la réhabilitation encore à l’étude pourrait dépasser le milliard d’euros. Le contenu muséographique créé par les agents du Palais de la découverte lui aussi semble être sur la sellette, avec la mention d’une nouvelle direction « où l’intelligence artificielle peut jouer un rôle fondamental ». « Ils [les agents d’Universcience] n’ont pas travaillé pour rien. Cela viendra enrichir la future proposition », poursuit le ministre auprès du Monde.

Ce revirement soudain n’étonne pas certains cadres de l’établissement scientifique : depuis les années 1980, les tentatives d’éviction du Palais de la découverte reviennent régulièrement. « C’est la raison pour laquelle lorsque nous avons fermé en 2021, je me suis dit que nous ne retournerions jamais dans le Palais d’Antin, estime l’un d’entre eux. Déjà peu avant cette fermeture, le GrandPalais-RMN commençait à râler, traînait pour chaque autorisation que nous demandions. »

Malgré quinze galeries flambant neuves, trois halls et la nef, le besoin d’espaces publics supplémentaires se fait sentir du côté du GrandPalais-RMN. Alors qu’une bonne partie des galeries est occupée par un Centre Pompidou en travaux, l’établissement doit maximiser la location d’espaces afin de rembourser les 150 millions d’euros empruntés pour mener les travaux.