Patrimoine

Le Palais du Tau va retrouver son éclat

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 18 novembre 2021 - 832 mots

REIMS

L’ancien palais archiépiscopal de Reims, géré par le Centre des monuments nationaux, fera l’objet de grands travaux entre 2022 et 2024, en particulier afin de revoir l’intégralité de sa muséographie vieillissante.

Le Palais du Tau et la cathédrale Notre-Dame de Reims. © David Bordes / CMN
Le Palais du Tau et la cathédrale Notre-Dame de Reims.
© David Bordes / CMN

Reims (Marne).« Après l’achèvement de l’hôtel de la Marine à Paris et l’achèvement progressif du château de Villers-Cotterêts aux printemps 2022 et 2023, la rénovation du palais du Tau sera la plus importante opération portée par le Centre. » Philippe Bélaval, directeur du Centre des monuments nationaux (CMN), entend ainsi faire prendre la mesure de ce qui se prépare au palais du Tau, ancien palais archiépiscopal dont la première pierre fut posée au IXe siècle par Ebon de Reims.

Baptisé « palais du Tau » en raison de sa forme en « T » (« tau » étant son équivalent dans l’alphabet grec), le bâtiment connaît des adjonctions gothiques au XIIIe siècle puis un remaniement structurel important au XVIIe siècle par Robert de Cotte. Celui-ci le dote d’appartements d’apparat dans un esprit classique de l’époque, une décoration revue au XIXe siècle dans le goût néogothique. Le bombardement du 19 septembre 1914 occasionne à l’ensemble des dégâts colossaux. La reconstruction dure plusieurs années avant son ouverture au public en tant que musée en 1972.

Un chantier complexe

« Le point de départ de cette aventure est l’exposition consacrée en 2014 aux “Sacres royaux”, qui a montré que la muséographie permanente, datant de 1972, avait considérablement vieilli », explique Philippe Bélaval. Les équipes du CMN commencent alors à travailler à un vaste projet de restauration permettant de mettre en valeur la double vocation du palais, qui abrite le musée des sacres et le musée de l’Œuvre de la cathédrale, et dispose donc d’une partie de sa statuaire en pierre. Le chantier n’est pas une mince affaire, car si l’édifice « ne présente pas de grosses dégradations, il accumule des pathologies qui dénaturent sa prestance et compliquent fortement son utilisation au quotidien », indique Marie-Suzanne de Ponthaud, architecte en chef des Monuments historiques chargée de la maîtrise d’œuvre du chantier. « La crise sanitaire n’a pas favorisé l’avancement du projet aussi rapidement que voulu », admet Philippe Bélaval. Le Centre a néanmoins pu relancer son opération à la faveur d’un « double heureux événement » : le plan de relance de l’économie, qui consacre 2,5 millions d’euros à la rénovation des façades, et le mécénat du groupe Dassault Histoire et Patrimoine à hauteur de 1 million d’euros. Le budget du chantier s’élève au total à 16 millions d’euros. La première tranche de travaux, qui s’étendra du début 2022 jusqu’au début 2023, concernera les façades, encrassées et souffrant d’infiltrations récurrentes, et la vitrerie, qui présente une mauvaise isolation sonore et thermique.

Une muséographie immersive et théâtrale

Les travaux se poursuivront à l’intérieur, où sera déployé un parcours muséographique repensé sous la houlette de Claude d’Anthenaise, conservateur général du patrimoine et ancien directeur du Musée de la chasse et de la nature à Paris. Les systèmes électriques et de ventilation seront également remis en état, tandis que le chauffage sera installé dans des salles qui en sont à ce jour dépourvues. Des opérations lourdes, nécessitant la fermeture du palais pendant dix-huit mois, de début 2023 à la mi-2024.

La feuille de route établie par Claude d’Anthenaise fait du palais du Tau « le musée des sacres », au pluriel, car l’ensemble des sacres royaux qui se sont déroulés à Reims y seront évoqués. « Les sacres sont une spécificité de la monarchie française d’où sont issues, à travers la Révolution, les institutions républicaines de la France contemporaine, explique le conservateur. C’est l’un des enjeux de la muséographie de parvenir à exprimer cela. » Ancien lieu de séjour du roi lors de la cérémonie du sacre, laquelle se déroulait dans la cathédrale adjacente, le palais en tant que tel est donc intimement lié à cette tradition historique. Il accueille aujourd’hui des collections permettant d’en évoquer la cérémonie – avec une prédominance, peut-être regrettable, des objets du sacre de Charles X, et, à l’inverse, l’impossibilité d’obtenir certains objets-clés, tel le sceptre de Charles V ou encore la main de justice, conservée au Louvre.

Fort de ces constats, et s’adressant au public touristique que draine la cathédrale avec lequel un lien doit être tissé, Claude d’Anthenaise entend mettre sur pied « un musée immersif, privilégiant l’émotion à l’information ».« L’idée est de convier le public au spectacle du sacre. Les dispositifs muséographiques en tant que tels emprunteraient beaucoup au théâtre, avec des mises en scène dans l’esprit du spectacle vivant afin de faire l’expérience du sacré en suscitant le respect et l’émerveillement. » L’autre originalité du projet est le recours « à des commandes artistiques passées à des artistes contemporains permettant d’évoquer certains thèmes », ajoute Claude d’Anthenaise, ceci afin de pallier l’absence d’éléments symboliques disparus.

Le parcours, déployé selon une logique chrono-thématique, abordera les liens avec la cathédrale, où la présence royale s’affirme dans l’iconographie, le baptême de Clovis, l’onction royale, le déroulement de la cérémonie, les instruments rituels du sacre, le cortège, le festin, l’aspect thaumaturgique de la monarchie (capable d’accomplir des miracles), le sacre de Charles X, le carrosse et la cavalcade.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°577 du 12 novembre 2021, avec le titre suivant : Le Palais du Tau va retrouver son éclat

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