Espagne - Musée

Le musée de l’art censuré à Barcelone ferme ses portes

Par LeJournaldesArts.fr · lejournaldesarts.fr

Le 2 juillet 2025 - 577 mots

Le lieu, fondé par Tatxo Benet, n’a pas survécu aux tensions sociales ni au manque d’intérêt du public.

Le McJesus de Jani Leinonen (2015), censurée en 2019 par le musée d'art de Haïfa suite à la colère des chrétiens d'Israël, est exposé au Musée de l'art prohibé. Courtesy Museu de l'art prohibit
Le McJesus de Jani Leinonen (2015), censuré en 2019 par le musée d'art de Haïfa suite à la colère des chrétiens d'Israël, est exposé au Musée de l'art interdit.
Courtesy Museu de l'art prohibit

Le Musée d’art interdit de Barcelone a fermé ses portes il y a quelques jours après moins de deux ans d’activité. Installé dans la Casa Garriga Nogués, le musée avait été inauguré en octobre 2023 par le journaliste et entrepreneur Tatxo Benet. L’établissement, unique en son genre, présentait une collection de plus de 200 œuvres ayant fait l’objet de censure ou d’interdiction. Officiellement, cette décision fait suite à une grève illimitée entamée en février par le syndicat SUT, relayée par les personnels de plusieurs sous-traitants, et à une chute brutale de la fréquentation rendant le projet économiquement inviable.

Le musée est issu d’une démarche personnelle de Tatxo Benet. En 2018, il acquiert une œuvre de Santiago Sierra, Presos Políticos en la España Contemporánea, retirée d’une foire madrilène pour des motifs politiques. Ce point de départ marque le début d’une collection rassemblée en cinq ans, composée d’œuvres censurées, attaquées ou retirées d’exposition, réunissant des artistes comme Ai Weiwei, Picasso, Warhol, Goya, Mapplethorpe ou Barceló. L’ambition du musée était de proposer un panorama mondial de la censure artistique, en exposant des pièces accompagnées de notices détaillant leur contexte d’interdiction. Certaines œuvres, comme un portrait de Mao par Warhol ou une sculpture d’Eugenio Merino représentant Franco, avaient déjà suscité des controverses internationales. La collection, présentée comme unique en son genre, se voulait un outil de réflexion sur les limites de la liberté d’expression dans l’art.

Les revendications des grévistes portaient sur leurs conditions de travail : longues stations debout, manque de pause, absence de climatisation et souhait d’intégration au sein de l’équipe permanente. Le syndicat a mis en avant la contradiction d’un musée défendant la liberté d’expression tout en refusant les revendications syndicales. La présence continue de piquets de grève devant l’entrée a fortement dissuadé le public, entraînant une baisse de 75 % des revenus. Officiellement, la fermeture est attribuée à la grève et à ses conséquences sur la fréquentation. Mais la viabilité économique du projet était déjà fragilisée par la dépendance aux seules recettes de billetterie, rendant le modèle insoutenable au regard du nombre de visiteurs (120 000 visiteurs entre 2023 et 2024 d’après le Crònica) ; on peut penser que l’entrepreneur a saisi l’occasion de la grève pour mettre un terme à l’aventure muséale.

Tatxo Benet, né en 1957 à Lleida, a mené une double carrière de journaliste et d’entrepreneur. Il débute en presse écrite à la fin des années 1970, travaille pour El País, El Periódico de Catalunya, puis rejoint TV3 où il occupe des fonctions de direction, notamment dans les sports jusqu’en 1996. En 1997, il fonde avec Jaume Roures et Gerard Romy la société Mediapro, devenue un acteur majeur de l’audiovisuel espagnol et international.

Mediapro, créé en 1994, est un groupe audiovisuel spécialisé dans la production de contenus, la gestion de droits sportifs et la distribution télévisuelle. Présent dans plus de 25 pays, il s’est illustré par la négociation de droits majeurs, notamment pour la Liga espagnole de football.

En France, on connaît bien Mediapro pour avoir été au centre d’un scandale retentissant lors de l’appel d’offres pour les droits de diffusion de la Ligue 1 en 2020. Le groupe n’a pas honoré ses engagements financiers, entraînant une crise majeure pour les clubs français et une perte estimée à 600 millions d’euros pour le football hexagonal.

La collection devrait se retrouver sous forme d’exposition itinérante, mais le musée n’a pas communiqué davantage sur ce projet.

Thématiques

Tous les articles dans Patrimoine

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque