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Le Musée de la Marine poursuit « gaillardement » son chantier

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 3 mai 2022 - 847 mots

PARIS

Dans l’aile ouest du Palais de Chaillot, le nouveau parcours du musée prend forme dans une architecture au passé imposant. Ouverture prévue en 2023.

Projet de scénographie pour la salle Tempêtes et naufrages du Musée de la Marine. © Casson Mann-LMNB
Projet de scénographie pour la salle « Tempêtes et naufrages » du Musée de la Marine.
© Casson Mann-LMNB

Paris. À droite de la lumineuse entrée du Musée de l’Homme, il faudra bientôt imaginer une porte qui s’ouvre sur une chicane, offrant une ambiance d’acier brut, sombre, entre reflets et matériaux rugueux, en contraste avec les espaces blancs et aérés du musée consacré au genre humain. Cet univers étrange qui prendra place dans l’aile ouest du Palais de Chaillot, c’est celui d’un Musée de la Marine en complète métamorphose, un chantier de rénovation conduit par les cabinets H20 et Snøhetta depuis septembre 2019 : « Le Musée de l’Homme a une entrée très blanche, très droite. Nous avons pris le contre-pied, en plongeant les visiteurs dans un monde mystérieux », explique Antoine Santiard, associé de l’agence H20.

Le grand chantier muséal de Paris

Neuf mille mètres carrés au cœur d’un ensemble patrimonial, dont environ un tiers de surfaces d’exposition, pour un coût global de 65,3 millions d’euros – un montant qui pourrait gonfler avant la fin de l’année –, la refonte du Musée de la Marine est le grand chantier muséal de la capitale. « Mais ce n’est pas qu’un chantier architectural », rappelle le commissaire général Vincent Campredon, directeur des lieux. En germe depuis le début des années 2010, l’idée d’une modernisation du parcours vieillissant se concrétise avec une mission confiée par le ministère des Armées – tutelle de l’établissement – au commissaire général en 2015 : faire rentrer le musée dans le XXIe siècle et présenter la mer comme un sujet majeur pour l’avenir de l’humanité. « Le musée existe depuis 1748 et, jusqu’en 2017, nous étions encore dans le projet scientifique et culturel (PSC) de 1748 : peu ou prou, la grande histoire de la marine française, racontée par des objets sublimes, retrace-t-il. Il faut ouvrir sur l’avenir, en évoquant les nouveaux enjeux, écologiques, géopolitiques, économiques. »

Les deux agences sélectionnées en 2017 se sont plongées dans l’histoire des lieux pour mûrir la traduction architecturale de cette ambition. Édifié en 1937, le Palais de Chaillot se superpose au Palais du Trocadéro construit pour l’Exposition universelle de 1878, dont seule la salle de spectacle centrale est détruite pour laisser place au parvis que l’on connaît aujourd’hui. Dans l’aménagement des ailes épaissies par l’architecture monumentale de 1937, on retrouve ainsi l’organisation de 1878, avec trois pavillons qui rythment le bâtiment sur sa longueur.

Le projet architectural s’appuie sur ces constructions historiques pour organiser le Musée de la Marine du XXIe siècle : l’emplacement des anciens pavillons accueille deux mezzanines, une solution trouvée pour répondre aux besoins d’espaces supplémentaires. Un vrai casse-tête dans ce chantier contraint, imbriqué dans les espaces du Musée de l’Homme qui se trouvent parfois au-dessus, parfois en dessous. Le pavillon d’About, à l’extrémité des 250 mètres de la galerie, sera également mis au jour par le nouveau parcours : ses fenêtres ouvertes et ses volumes laissent entrevoir le surplomb de la colline de Chaillot sur la Seine. « On doit se rendre compte de cette verticalité et faire comprendre qu’il s’agit de la fin du bâtiment », indique Antoine Santiard.

Une scénographie immersive

Le nouvel aménagement des lieux permet aussi de masquer certains éléments du passé pour mieux correspondre au projet actuel : contrairement à la Cité de l’architecture et du patrimoine, la grande galerie d’exposition ne montrera pas le décor classé du Palais de 1878, ses fermes caractéristiques en acier et sa verrière. Un principe de coque est choisi pour doubler le plafond, sur lequel court une large ouverture lamellée qui éclaire le long parcours d’exposition d’une lumière diffuse. Un choix qui épouse les intentions de la future scénographie, réalisée par l’agence internationale Casson Mann : « L’idée est de couper le visiteur de son environnement. Après l’accueil, une coque de bateau ouvrira sur un parcours en quatre escales, qui seront des chocs esthétiques, et cinq traversées, où l’on incarne le propos », détaille Vincent Bouat-Ferlier, directeur scientifique du musée.

L’expression de « scénographie immersive » ne devrait pas être galvaudée dans ce parcours qui commencera, dès l’entrée, par une présentation du scaphandre des frères Carmagnolle (1882), qui inspira Jules Verne. Pour Vincent Campredon, cette scénarisation est l’outil idéal pour toucher un large public : « Pas facile de prendre des objets qui évoquent la marine et de leur faire parler d’écologie ! », concède-t-il.

Pour seconder ce parcours semi-permanent, qui sera renouvelé tous les quatre ans par tranches, le musée disposera d’un très large espace d’exposition temporaire (900 m2) et d’un auditorium. De quoi en faire le vaisseau amiral d’un triple réseau : celui des cinq lieux que rassemble le Musée de la Marine (Paris, Brest, Port-Louis, Rochefort, Toulon), mais aussi le réseau des musées maritimes de France, recréé par le commissaire général en 2017, et le Congrès international des musées maritimes (ICMM), rejoint par le musée « pour diffuser notre message à l’international ». Mais avant cela, il faudra mener à bien le chantier muséographique qui commence à peine, pour une livraison à l’été 2023. Vincent Campredon est confiant : « Dans la marine, on dit qu’une manœuvre doit se faire gaillardement ! »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°588 du 29 avril 2022, avec le titre suivant : Le Musée de la marine poursuit « gaillardement » son chantier

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