Restauration

Le bassin de Latone métamorphosé

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 2 juin 2015 - 761 mots

Achevée en 1686 par Jules Hardouin-Mansart, la fontaine installée dans les jardins du château de Versailles a été remise en eaux après une réfection intégrale.

VERSAILLES - Attention les yeux ! Le bassin de Latone, pièce maîtresse des parterres du château de Versailles, a bénéficié d’une cure de jouvence des plus miraculeuses. Sculptures en plomb redorées à l’or fin, marbres de parements aux couleurs retrouvées, vasques en marbre blanc de Carrare à nouveau éclatant, le bassin de Latone est propre comme sou (trop ?) neuf. Le 18 mai, la fontaine a été officiellement remise en eaux, sous le regard fier et enthousiaste de toutes les équipes de restaurateurs qui ont œuvré pendant plus de deux ans à sa renaissance.

À l’origine de ce projet, l’importante donation d’un couple de mécènes à la Fondation Philanthropia, excroissance de la banque genevoise Lombard Odier. Ce couple sans enfants proche de Gérald Van der Kemp, directeur du domaine versaillais de 1953 à 1980 et célèbre pour sa politique de restauration très active, avait formé le souhait de contribuer au rayonnement du château. Ce ne sont pas moins de 7 millions d’euros qui ont été versés en faveur du chantier de Latone, et plus d’un million d’euros au bénéfice des parterres dessinés par Le Nôtre. « Ce partenariat avec Versailles ne doit pas s’arrêter là », précise Anne-Marie de Weck, vice-présidente de la fondation suisse, ajoutant que plusieurs projets sont à l’étude. La démarche de Philanthropia a pour particularité d’encourager la formation de jeunes artisans afin d’assurer la préservation des métiers d’art. Le bassin de Latone a ainsi été l’occasion pour une dizaine d’apprentis de « se faire la main ». Comme le souligne Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques, ce chantier a nécessité des métiers anciens, nouveaux et « reconstitués ». L’architecte va jusqu’à comparer ce chantier à une « opération à cœur ouvert » auquel les visiteurs du château ont pu assister – pour laquelle le cœur aurait, en réalité, été prélevé de la poitrine, soigné et replacé après traitement ! Le chantier a en effet consisté en un démontage complet, pièce par pièce, de la fontaine et de son buffet maçonné en pierre de taille, ainsi qu’en la dépose de la couronne de tuyaux souterrains et la reprise des fondations. Un orchestre de talents a été nécessaire pour mener à bien les restaurations in situ et en atelier : fontainiers, jardiniers, doreurs, tailleurs de pierre, maçons, mouleurs, marbriers, chaudronniers, restaurateurs de sculptures en métal et couvreurs spécialisés en couverture plomb...

Figures dorées à la feuille
Le premier bassin date de 1665 et, au fil d’une vingtaine d’années de transformation, cette simple fontaine ovale a adopté sa forme définitive sous la direction de Jules Hardouin-Mansart. Le programme iconographique illustrant la colère de Latone, à la suite de laquelle les paysans qui l’entourent furent transformés en batraciens, est daté de 1668. Au fil des siècles, le bassin a fait l’objet de plusieurs interventions, parfois radicales, tant sur sa structure qu’en surface. À la fin des années 1990, les vasques de la fontaine présentaient des fissures et fuites, le réseau de fontainerie laissait à désirer et l’état esthétique général était tout bonnement déplorable. Sans nier la nécessité de l’opération et la qualité du travail effectué, on pourra toutefois s’interroger sur le choix de dorer à la feuille les 74 figures sculptées en plomb, pour un aspect bien plus clinquant que celui auquel était habituée la cour de Louis XIV. Les sculptures étaient, à l’origine, enduites d’une bronzine, une finition dorée obtenue à partir d’une poudre de bronze. Pierre-André Lablaude indique avoir préféré la dorure à la feuille « certes plus coûteuse à la réalisation mais beaucoup plus durable », à la technique originale entraînant une oxydation rapide et nécessitant un traitement annuel. Pour le reste, le temps et la nature feront leur travail.

Point culminant de la fontaine, le moulage en résine polyester représentant Latone et ses deux enfants Diane et Apollon a été remplacé par une nouvelle réplique moulée en résine et poudre de marbre. Contrairement à son double moderne, la sculpture en marbre signée des frères Gaspard et Balthazar Marsy est trop fragile pour subir les assauts répétés des jets d’eau en cascade et les intempéries. À la suite d’un grave acte de vandalisme survenu dans les années 1980, Latone et ses enfants ont été restaurés puis mis à l’abri. Un repos bien mérité dont ils ont été tirés pour figurer dans l’exposition « Le château de Versailles en 100 chefs-d’œuvre », présentée jusqu’au 26 mars 2016 au Musée des beaux-arts d’Arras.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°437 du 5 juin 2015, avec le titre suivant : Le bassin de Latone métamorphosé

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