Musée mobile

Le barnum fait le plein

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2011 - 680 mots

CHAUMONT [02.12.11] - Un mois après son ouverture, le Centre Pompidou mobile a déjà réussi sa première escale, à Chaumont. PAR SOPHIE FLOUQUET

Le Centre Pompidou mobile, parti depuis le mois d’octobre sur les routes de France, joue sur un curieux paradoxe. Alors que les tableaux y sont plus que jamais mis à distance physiquement, protégés par d’étanches caissons-cimaises ultrasécurisés, ils y deviennent aussi subitement plus accessibles à un public non initié. Car c’est bien un étrange phénomène qui s’opère depuis le 18 octobre, à Chaumont (Haute-Marne), dans le petit chapiteau mobile conçu par l’établissement parisien pour partir à la rencontre des publics éloignés des musées. Après une inauguration fortement médiatisée – le maire de la ville, Luc Chatel, étant également ministre –, hommes politiques, responsables du projet et caméras ont cédé la place aux véritables visiteurs. Qui sont bel et bien au rendez-vous, venus certes par curiosité, mais aussi, et surtout, pour apprendre.

Les chiffres sont là : en un mois d’ouverture, la petite structure à l’architecture signée Patrick Bouchain, somme toute très discrète sur son terrain coincé entre deux anciens bâtiments militaires en cours de réhabilitation, a accueilli plus de 15 000 visiteurs. Soit déjà plus de la moitié de la population chaumontaise (28 000 habitants). Et dans le livre d’or, les témoignages positifs l’emportent largement. Voire : le public en redemande, estimant la sélection de quinze œuvres, réunies sur le thème de la couleur, trop courte. Y aurait-il déjà pris goût ? Les médiateurs chargés des visites en groupe n’en démordent pas : « Ça marche ! » Comédiens professionnels, ces derniers mettent en œuvre une approche spécifique, conçue par Pierre Ryngaert, responsable de la médiation au Centre Pompidou, celle de visites théâtralisées « pour casser la distance, en proposant un moment poétique jouant sur le registre du sensible ». Non sans privilégier un certain côté ludique.

Les visiteurs écoutent de la musique face à un tableau de Kupka ou Picasso, sont plongés dans un récit devant les sculptures de Niki de Saint-Phalle ou s’allongent sous le grand mobile de Calder. De quoi susciter certains petits miracles, comme en témoigne Nathalie Azam, l’une des médiatrices, qui a vu défiler au cours de ses interventions un public très hétérogène, allant des responsables culturels aux sans domiciles fixes, sans oublier la population voisine, celle du quartier Foch, réputé sensible, où une femme s’est immolée par le feu fin octobre. Et, en dehors des visites réservées aux groupes, tout le monde, enfants compris, suit attentivement la visite avec son audioguide. Chacun y réagit en fonction de sa sensibilité, donnant lieu à des scènes contrastées. Devant le même monochrome orange d’Yves Klein, où un enfant a décelé l’expression de la pensée de l’artiste, le président de la République, venu inaugurer les lieux, s’est quant à lui interrogé… sur le prix de l’œuvre.

Espace convivial
Quelle est donc la clef du succès de cette exposition qui ne laisse personne indifférent ? Pas seulement la gratuité de la visite et l’absence de musée d’art moderne avoisinant, le plus proche se trouvant à 100 km de là, à Troyes (Aube). Nathalie Azam avance plusieurs explications. « Nous ne représentons pas une autorité qui sait et qui pourrait effrayer, explique-t-elle. D’ailleurs, nous parlons assez peu d’histoire de l’art. » La structure n’y est pas non plus pour rien. « Ce côté chapiteau plaît au public, la convivialité fonctionne », poursuit-elle. À cela s’ajoute le choix d’un parcours thématique simple mais clair, une sélection rigoureuse d’œuvres, opérée par Emma Lavigne, conservatrice au Musée national d’art moderne, mais aussi un accrochage sobre et élégant, digne d’une grande exposition temporaire. Après la réticence locale face au coût de l’opération pour la collectivité, 200 000 euros à la charge de la Ville, « soit quinze spectacles en moins » d’après un acteur local, sur un coût global de 2,5 millions d’euros, la version foraine du Centre Pompidou a donc conquis son public. Reste à espérer qu’une même alchimie opérera à Cambrai (Nord), sa prochaine étape, puis à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), avant que le convoi ne s’ébranle vers le sud-ouest de l’Hexagone.

Légende photo

Le Centre Pompidou mobile, à Chaumont. © Arthur Forjonel / Agence Let's Pix.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°358 du 2 décembre 2011, avec le titre suivant : Le barnum fait le plein

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