Russie - Vol

La protection de la Galerie Tretiakov en question après un vol de tableau

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 29 janvier 2019 - 629 mots

MOSCOU / RUSSIE

L’homme qui a volé un tableau dans le musée a été interpellé et la toile retrouvée. L’épisode provoque l’ironie des Russes.

Vol du tableau Aï-Petri, Crimée d’Arkhip Kouïndji, image de extraite de la vidéosurveillance de la galerie Tretiakov
Vol du tableau Aï-Petri, Crimée d’Arkhip Kouïndji, image de extraite de la vidéosurveillance de la galerie Tretiakov.
© Photo galerie Tretiakov

Dimanche 27 janvier, un homme a tranquillement décroché du mur puis de son cadre, un tableau d’Arkhip Kouïndji (1842-1910), durant les heures d’ouverture de la Galerie Tretiakov à Moscou. Il a mis Aï-Petri, Crimée (années 1890) sous son bras et a quitté les murs du musée, s’engouffrant ensuite dans un 4x4 blanc Mercedes. L’alerte n’a été déclenchée que dix minutes plus tard. 

Les enquêteurs ont en revanche réagi avec célérité. Le voleur de 31 ans a été arrêté lundi matin dans un petit village à 45 km du musée. L’œuvre a été retrouvée à mi-chemin, dissimulée dans un chantier de banlieue, sans dommage apparent. Lundi, la police révélait que le suspect est déjà fiché pour trafic de drogue et aurait agi « pour des motifs mercantiles ». Dans une vidéo filmée par la police durant l’arrestation et diffusée à la télévision, l’homme, qui porte les marques d’un coup à l'œil droit, affirme être innocent. Mardi matin, la police a révélé l’identité du suspect : Denis Tchouprikov, électricien, qui aurait agi pour « rembourser ses dettes ». On ignore s’il a bénéficié de complicités ou s’il a répondu à une commande.
Selon plusieurs témoignages rapportés par la télévision russe et les réseaux sociaux, les visiteurs de la Galerie Tretiakov ont pris le voleur pour un employé du musée d’État. Le vol proprement dit a été enregistré par une vidéo de surveillance, et montre que les visiteurs observent passivement le voleur décrochant le tableau, puis celui-ci traversant une autre salle tenant nonchalamment le tableau d’une main. Ce n’est que deux minutes plus tard qu’une gardienne du musée commence à s’agiter, puis appelle sur les lieux au bout de dix minutes un policier municipal en poste dans la rue, d’après le blogueur Mouzeïni Snob.

La facilité déconcertante avec laquelle le voleur a agi lui assure la Une des journaux russes depuis deux jours. Et inspire des plaisanteries : « Une queue interminable s’est formée lundi devant le musée : chacun veut se servir en chef-d’œuvre » ou « En Russie, le vol de Crimée n’est pas puni par la loi ». De nombreux commentateurs russes font le parallèle avec la comédie populaire soviétique Les papys voleurs d’Elgar Ryazanov, dans laquelle figure également un vol de tableau au grand jour dans un musée. D’autres remarquent que le vol s’est déroulé le jour de l’anniversaire du peintre russe d’origine grecque-pontine Arkhip Kouïndji. 

Principal représentant (avec Isaac Levitan) du courant luministe en Russie, Arkhip Kouïndji est réputé pour ses peintures nocturnes et monochromes. Il a peint la célèbre montagne Aï-Petri (Crimée) dans les années 1890 dans des teintes bleues sous l’influence de l’impressionnisme. Le tableau, qui appartient à la collection du Musée russe de Saint-Pétersbourg, était temporairement prêté à la galerie Tretiakov dans le cadre d’une exposition consacrée au peintre Arkhip Kouïndji. Ses œuvres s’échangent à partir de 150 000 euros et son record est de 3 millions de dollars pour Bosquet de bouleaux en 2008 chez Sotheby’s à New York. Deux tableaux du peintre avaient déjà été dérobés en 2001 dans un musée de Tcheliabinsk et un autre en 2017 dans un musée de Vologda.

La Galerie Tretiakov explique le vol par une « optimisation des dépenses de l’État » concernant la surveillance des établissements culturels. Selon le site Life, le musée consacrerait 2 % de son budget à la surveillance (16 millions de roubles par an, soit 200 000 euros), alors que sa fréquentation augmente fortement. Le 25 mai dernier, un homme avait gravement endommagé le célèbre chef-d’œuvre d’Ilia Répine Ivan le Terrible et son fils Ivan pour des motifs idéologiques. La restauration en cours pourrait coûter jusqu’à 400 000 euros.

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