Musée

La Maison de l’histoire de France s’écroule

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 4 septembre 2012 - 846 mots

La ministre de la Culture a annoncé l’abandon du grand projet de Maison de l’histoire de France voulue par Nicolas Sarkozy et qui devait voir le jour en 2015 sur le site des Archives de France. Il devrait néanmoins renaître sous la forme plus modeste d’un site internet et d’un cycle d’expositions itinérantes.

PARIS - D’un grand projet érigé au cœur de Paris, la Maison de l’Histoire de France (MHF) sera finalement réduite à un simple site internet dont le contenu reste à définir. C’est ce qu’a annoncé le 24 août sur France Inter la ministre de la Culture, interrogée sur le sujet. Dès son arrivée à la tête de La Rue de Valois, Aurélie Filippetti ne cachait pas ses réserves face à un projet qu’elle a, sur les ondes, qualifié de « contestable idéologiquement » et « coûteux » – dans son rapport, Jean-François Hébert, alors à la tête de la mission de préfiguration de l’établissement, évoquait une enveloppe de près de 180 millions d’euros (lire le JdA n° 360, 6 janvier 2012). Rattachée à l’origine au très controversé ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, la MHF avait été décriée par nombre d’historiens (lire le JdA n° 316, 8 janvier 2010). Au gré des critiques et des aléas politiques, l’institution avait évolué pour passer d’un « établissement tête de réseau » à une Maison fédératrice qui prendrait corps sur le site parisien des Archives nationales où elle organiserait, en outre, des rencontres et expositions temporaires. Et ce, malgré l’opposition des personnels des Archives qui se voyaient privés de 13 000 m2 d’espaces. Si l’intersyndicale des Archives de France s’est réjoui de cette décision, dans un communiqué du 29 août, rien n’a encore été précisé quant aux espaces ainsi libérés et à l’avenir de l’équipe de l’établissement public MHF créé en janvier 2012, dirigée par Maryvonne de Saint-Pulgent -cette dernière n’a pas tenu à s’exprimer sur le sujet.

Projet présidentiel, l’avenir de la MHF doit être défini avec le cabinet du président de la République et celui du Premier ministre. Pour l’heure, elle devrait être remplacée par la « mise en réseau de nos musées d’histoire à travers un organe pilote incarné par un site internet », doté d’un comité scientifique qui travaillera sur des expositions historiques, comme l’a précisé Aurélie Filippetti. Une certaine confusion semble régner quant à ces musées associés à la MHF. Musées Service à compétence nationale (SCN), les institutions qui y étaient rattachées jusque-là, tels le Musée national du Moyen Âge-Thermes de Cluny, le musée d’archéologie national à Saint-Germain-en-Laye, le Musée de la Renaissance au Château d’Écouen ou encore Les Eyzies-de-Tayac ne sont pas des musées d’histoire à proprement parler, mais des musées de beaux-arts ou d’archéologie. Dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, l’idée avait germé de les faire entrer dans le giron de la Maison d’histoire de France qui aurait pu vampiriser leurs collections ; idée finalement abandonnée au profit d’une participation libre des musées SCN. « La Maison de l’histoire de France avait effectivement un problème de positionnement », reconnaît-on Rue de Valois. « Mais ce qui était compliqué à faire spatialement devient plus facile virtuellement. La maison pourrait, en utilisant la ressource la moins coûteuse et la plus accessible aujourd’hui, devenir une vitrine, un portail de l’histoire et assumer une mission de médiation pour mettre des œuvres à la portée du plus large public. La ministre a retenu l’idée d’une mise en réseau et ne tient pas à balayer le travail fourni par l’équipe en place ».

La médiation en maître mot
Outre les musées nationaux, il semblerait plus naturel de se tourner vers des institutions comme la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, établissement prometteur longtemps resté ignoré des pouvoirs publics, le Musée des Archives de France (dénommé jusqu’en 2006 Musée de l’histoire de France) ou l’Institut national de recherches archéologiques préventives dont les découvertes récentes ont bouleversé la connaissance de notre passé. Sans oublier les divers établissements spécialisés comme le Mémorial de Caen, le Mémorial de la Grande Guerre à Péronne, le Musée de la Révolution française à Vizille, le Musée d’histoire contemporaine situé aux Invalides, à Paris, ou encore le Musée de l’armée dont les nouveaux parcours témoignent d’une nette volonté d’être identifié comme un musée d’histoire. Des annonces concrètes devraient prochainement intervenir pour préciser les contours de ce site internet dont la « médiation » semble être le maître mot et où il n’est plus question de recherche. La Maison de l’Histoire de France ou, dans une autre mesure, une grande Cité dévolue aux historiens fera-t-elle défaut à la discipline ? « La communauté des historiens est très divisée sur ce sujet. Sérieusement, pensez-vous que la recherche historique n’ait pas de lieu où s’exercer en France ? Elle s’écrit à l’université, au CNRS… L’ancien projet prenait un peu le risque de réinventer l’eau chaude », ajoute-t-on au ministère de la Culture. Cette décision annonce également, peut être, la fin de l’ère des établissements publics qui avaient fleuri dans le paysage culturel ces dernières années de manière plus ou moins convaincante.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°374 du 7 septembre 2012, avec le titre suivant : La Maison de l’histoire de France s’écroule

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