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Intrigues à la galerie Borghèse

Par Eugenio Murrali (à Rome) · Le Journal des Arts

Le 30 avril 2018 - 528 mots

ROME / ITALIE

Anna Coliva a été suspendue de ses fonctions à la tête du musée, en raison d’un absentéisme présumé qu’elle conteste.

Anna Coliva, directrice de la Galerie Borghèse à Rome
Anna Coliva, directrice de la Galerie Borghèse à Rome
Photo D.R.

Rome. Pour Anna Coliva, directrice de la Galerie Borghèse de Rome depuis 2006, la mésaventure qu’elle vit relève davantage du surréalisme que du baroque de Bernin, dont le musée conserve certaines des plus belles statues au monde. Le ministère italien de la Culture l’a en effet suspendue de ses fonctions pour une durée de six mois, car elle doit répondre devant la justice d’absentéisme, c’est-à-dire de fraude contre l’État. Anna Coliva se serait absentée en 2014 du musée de manière illégitime pendant quelques heures.

Il semblerait qu’une enquête des gendarmes ait été diligentée à partir d’une lettre anonyme dénonçant ses absences, entraînant des poursuites judiciaires. Les gendarmes auraient surveillé Anna Coliva et établi un rapport sur ses déplacements.

Anna Coliva relève que le ministère n’a pas comparé le rapport des gendarmes – qui ne faisait qu’enregistrer ses heures de présence au musée – avec les documents administratifs qui établissent que ses absences et ses éloignements sont justifiés par des autorisations ou des prises de congés. La directrice souligne qu’elle sortait souvent de la Galerie pour des raisons professionnelles, comme pour assister à une rencontre sur le Bernin.

Lorsqu’un fonctionnaire est traduit en justice, le ministère de la Culture est obligé d’appliquer une procédure disciplinaire. Toutefois, l’usage voudrait que le ministère suspende la sanction, au moins jusqu’au jugement de première instance. Mais cela n’a pas été le cas en l’espèce.

Pour Anna Coliva, les anomalies dans la procédure sont doubles. Elle attribue la première au fait « que le ministère n’ait pas suspendu la sanction et qu’il ait entamé la procédure disciplinaire sans au moins une instruction interne, qui aurait tout éclairci ». La directrice de la Galerie affirme travailler beaucoup et avoir accumulé de nombreuses heures supplémentaires, non rémunérées. L’autre anomalie, qui, à son avis, relève d’une mentalité « difficile à expliquer à l’étranger », est qu’en Italie, on n’est pas jugé sur la base des résultats, mais sur des critères bureaucratiques. Elle ajoute : « Il me semble évident qu’ici je suis au milieu d’une intrigue, mais si au moins il s’agissait d’une intrigue à la cour ! Là c’est une intrigue à la courette ! Évidemment quelqu’un veut que je sorte de scène. »

Anna Coliva dirige la Galerie Borghèse depuis douze ans. Elle a été distinguée en 2013 dans l’ordre de la Légion d’honneur. Elle a réussi à recueillir douze millions d’euros à travers des sponsors privés. La récente exposition sur Bernin, l’une des plus importantes jamais réalisées, a généré des recettes pour plus de deux millions d’euros.

Sa suspension de six mois risque de bloquer le travail de la Galerie, qui, entre autres, est en train de préparer une exposition sur les sculptures de Picasso. La directrice, qui resterait sans salaire pendant six mois et sans indemnités, souligne aussi le dommage causé à son image et à celle du musée. Cette « tache » que constitue sa suspension risque de mettre fin à sa carrière. La procédure disciplinaire serait même plus préjudiciable que la procédure judiciaire. De plus, pour la directrice, l’image internationale et les activités de la Galerie seraient gravement compromises.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Intrigues à la galerie Borghèse

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