Réinventer le musée ?

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 24 juin 2025 - 510 mots

De musée, il est naturellement question dans les parutions de L’Œil tout au long de l’année. 

Mais l’été aidant, ce numéro prend le temps de s’interroger sur ces lieux d’art qui font le quotidien des amateurs : qu’est-ce qu’un musée ? A-t-il le même sens que celui que l’on a voulu donner à tous ces espaces qui ont éclos et maillé le territoire national, notamment à partir de la fin du XVIIIe siècle ? Les usages n’ont-ils pas considérablement évolué, surtout ces dernières années, concurrence des nombreux médias et autres distractions numériques obligent ? Le mouseîon grec, ou « temple des muses », n’inspire plus les rénovations et les transformations des musées actuels. Les traditionnels sanctuaires des arts tendent à devenir des lieux épousant les attentes et les diversités de la société. Le principe même du musée est fondamentalement lié à une autre invention : celle de l’Histoire moderne, corollaire d’une approche scientifique – et non romanesque – du passé, que l’on doit notamment au grand mouvement de rationalisation de la pensée qu’a été la philosophie des Lumières. Si le premier musée public français voit le jour à Besançon en 1694, date de la rédaction de ses statuts, c’est véritablement à la faveur de la Révolution à la fin du XVIIIe siècle que l’on bascule dans un mouvement d’ampleur, avec notamment en 1793, l’établissement du palais du Louvre comme musée.

Puisque l’invention du musée est une conséquence de l’invention de l’Histoire, la réinvention du musée d’aujourd’hui doit répondre à une nouvelle orientation sociétale en train de s’écrire, et dont il est particulièrement malaisé de définir les grands axes ou les points d’inflexion. Pour autant, le musée contemporain semble avoir l’intuition des nouveaux besoins de ses publics, et se doit de s’ouvrir sur la ville et ses usages. Il a l’ambition d’être accueillant, voire réconfortant, pédagogique, tourné vers les plus jeunes générations, inclusif, lieu d’expériences collectives comme celles proposées par le spectacle vivant, divertissant, technologique, récréatif. Il souhaite également être un lieu de restauration (alimentaire), d’achat plaisir… S’il faut parfois penser que l’élargissement des missions des musées a pour objectif d’en diversifier les recettes, l’essentiel est pourtant de garder le contact avec un public qu’il est de plus en plus difficile d’intéresser, au-delà des expositions blockbusters qui sont des arbres qui cachent la forêt et créent parfois des fréquentations spectaculaires en trompe-l’œil.

Faut-il se réjouir de telles évolutions, qui sont d’ailleurs parfois difficiles, voire impossibles, à financer pour les plus petites institutions dans un contexte général de désengagement de l’État et des collectivités locales pour la culture ? Sans doute oui, à condition de ne pas perdre mais de favoriser ce qui fait la raison d’être d’un musée : l’expérience artistique, ce que L’Œil s’applique à susciter à chaque numéro, avec ses dossiers, ses « 6 clés pour comprendre », ses « arrêts sur image » et ses « portfolios ». Et là encore, s’agissant d’expérience artistique, sans doute faudrait-il pouvoir aussi analyser les évolutions de la réception des œuvres, c’est-à-dire le regard du public, à la fois collectif et subjectif. Mais c’est encore une autre histoire à écrire.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°787 du 1 juillet 2025, avec le titre suivant : Réinventer le musée ?

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