Depuis sa reprise du pouvoir suprême, le Père Ubu de l’Amérique n’a de cesse d’attaquer les arts et la culture. Ce n’est pas son seul combat, évidemment, la guerre économique des variations de tarifs douaniers occupant depuis quelques semaines le devant de la scène.
Donald Trump sature l’actualité de ses revirements extravagants, de ses postures farcesques et de ses déclarations lunaires qui font pourtant peser de lourdes menaces sur les équilibres du monde.
Cela dit, l’acharnement avec lequel le 47e président des États-Unis, casquette rouge MAGA (« Make America Great Again ») vissée sur la tête, attaque la culture est certes attendu, mais largement démesuré. En tout cas, il ne s’inscrit dans aucune urgence objective, surtout si l’on considère la guerre en Ukraine ou à Gaza.
Et pourtant, dès le 20 janvier, Trump s’agite et signe le décret de son action offensive contre la culture et plus généralement contre la société progressiste. Il met fin au programme d’inclusion et de diversité (DEI) : énième épisode d’un combat contre un dispositif mis en place par Barack Obama, annulé sous le premier mandat de Trump, puis réactualisé sous celui de Joe Biden. Le même jour, tandis que passe un décret faisant la promotion de l’architecture néoclassique pour les bâtiments fédéraux, un autre supprime le Comité présidentiel pour les arts et les lettres (PCAH), créé en 1982 pour conseiller le président sur la politique culturelle. Quelques jours après, le 29 janvier, un nouveau décret, résurrection là encore du premier mandat, vise à créer un « Jardin national des héros américains », qui prendra la forme d’un parc de sculptures de 250 statues rendant hommage aux personnages-clés de l’histoire américaine, selon une sélection évidemment très idéologique, de Christophe Colomb à Walt Disney. Rien ne l’effrayant, le 12 février, Trump annonce même sa propre nomination à la tête du Kennedy Center, le premier centre des arts du spectacle du pays, financé en partie par des fonds fédéraux. « Fini les spectacles de travestis ou autres propagandes antiaméricaines, place au meilleur », pavoise le président ! Le 3 mars, des bureaux de la GSA Fine Arts et de la GSA Historic Preservation, agence fédérale en charge des collections publiques, sont fermés. Le 14, l’Institute of Museum and Library Services (IMLS) est supprimé, lui dont la charge était d’offrir un soutien à plus de 123 000 bibliothèques et 35 000 musées à travers les États-Unis.
La liste est déjà longue et tend probablement à s’allonger. Mais la succession rapide de décrets pose une question, au-delà de leurs effets délétères : de quoi Donald Trump a-t-il peur ? Son volontarisme angoissé à réécrire l’héritage culturel américain et à modeler son avenir a pour corollaire, si l’on veut bien voir les choses du bon côté, de montrer la force du rôle symbolique de l’art. Bien sûr, en attendant, nombre de politiques culturelles sont détricotées, nombre d’institutions sont dénaturées et nombre de principes humanistes sont allègrement piétinés. Mais en voulant instrumentaliser les arts et la culture, Trump et ses affidés ont à la fois bien compris que « l’art n’est pas un miroir pour refléter le monde, mais un marteau pour le forger », comme l’écrivait le dramaturge Bertolt Brecht, et que cet instrument ne se plie pas à toutes les volontés. D’où son obstination et ses coups de boutoir répétés, comme si la culture était une arme autant qu’un ennemi, car elle est par essence diverse et déviante.
Malgré lui, et avec pertes et fracas, Trump passe un message : la culture est puissante et indomptable. Qui eût pensé que le président américain en serait un si ardent et paradoxal promoteur ?
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Donald Trump, ambassadeur culturel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°785 du 1 mai 2025, avec le titre suivant : Donald Trump, ambassadeur culturel