Disparition

Charlie et nous

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 8 janvier 2015 - 511 mots

PARIS

PARIS [08.01.15] - Le panneau « Je suis Charlie », brandi hier soir par de nombreuses personnes venues témoigner leur solidarité avec les victimes, nous oblige, nous journalistes, à consolider notre indépendance éditoriale pour mieux défendre notre liberté d’expression.

En cette journée de deuil national, toute notre sympathie va aux proches des victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo et en particulier notre consœur et critique d’art Natacha Wolinski. Cette tuerie prend pour nous, gens de la presse, une dimension particulière. Mourir dans l’exercice de son métier de journaliste, mourir pour avoir voulu raconter le monde, mourir sous les balles de fanatiques déterminés nous heurte profondément.

On a vu hier soir un élan de solidarité partout en France et dans le monde. On a vu des milliers de panneaux portant l’inscription « Je suis Charlie », on a vu des milliers de stylos pointés vers le ciel. Personnalités connues, journalistes, anonymes, ceux qui se sont rassemblés voulaient ainsi non seulement témoigner de leur solidarité mais aussi défendre la liberté d’expression.

Non sans une certaine ambiguïté. Dans l’émotion on oublie la controverse lorsque Charlie Hebdo reproduisait en 2006 la série de caricatures de Mahomet publiées dans un journal danois, puis leurs propres dessins satiriques, notamment « Charia Hebdo » en novembre 2011. Le premier ministre de l’époque, Dominique de Villepin avait qualifié d’irresponsable la publication de ces caricatures tandis que plusieurs organisations islamiques avaient engagé une procédure judiciaire contre le journal. Certains qui hier soir s’étaient rassemblés pour défendre le droit d’informer étaient peut-être les mêmes qui reprochaient à l’époque à Charlie Hebdo « de jeter de l’huile sur le feu ».

Passé le moment de sidération, le « Je suis Charlie » pose plusieurs questions.

Qui va prendre la relève du journal ? Qui va assurer l’éditorial du prochain numéro hebdomadaire alors que la rédaction est quasiment décimée ? Déjà de bonnes volontés se mobilisent pour rejoindre ce qui reste de l’équipe, notamment Philippe Val, l’ancien directeur. Mais après, une fois l’émotion populaire retombée, se posera le problème du financement. Un geste simple, peu coûteux peut assurer la pérennité de Charlie Hebdo, si des milliers d’entre nous répétons ce geste : acheter de temps en temps un numéro du journal.

Mais ce combat pour la liberté d’expression face notamment à l’obscurantisme de l’islam radical, Charlie Hebdo ne doit pas être le seul à le porter. Tel Daumier dans les années 1830 qui ridiculisait dans ses dessins satiriques Louis-Philippe en le représentant sous forme de poire, au prix de plusieurs mois de prison, les journalistes assassinés de Charlie provoquaient pour tester les limites de la parole libre. Le Journal des Arts et L’ŒIL ne sont pas des journaux satiriques mais ils ne s’interdiront jamais de publier une oeuvre d’art représentant le prophète Mahomet lorsque cela appuie notre propos. Plus généralement, nous continuerons à défendre notre indépendance éditoriale, gage de la liberté d’expression, tout en traitant l’information avec équité en évitant tout amalgame. Et nous allons redoubler d’effort pour rendre hommage à nos confrères disparus.

Charlie Hebdo: l'immense émotion de Patrick Pelloux

 

 

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"Je suis Charlie" créé par Joachim Roncin - source page Facebook Je Suis Charlie

Site Internet : www.charliehebdo.fr

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