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Révélations sur l’ultime tableau de Van Gogh

Par Isabelle Manca · lejournaldesarts.fr

Le 28 juillet 2020 - 749 mots

AUVERS-SUR-OISE

Un expert a identifié le lieu représenté dans le dernier tableau du peintre, permettant d’écarter certaines théories.

Carte postale de la Belle Epoque qui représente un homme sur la rue Daubigny avec à à droite une partie colorisée montrant l'emplacement du sujet du tableau Racines de Van Gogh ©  Wouter van der Veen
Carte postale de la Belle Epoque qui représente un homme sur la rue Daubigny avec à à droite une partie colorisée montrant l'emplacement du sujet du tableau Racines de Van Gogh.
© Wouter van der Veen

Le directeur scientifique de l’Institut Van Gogh, Wouter van der Veen a localisé l’endroit où Vincent van Gogh a peint son ultime tableau. Il partage sa découverte avec Le Journal des Arts avant sa révélation officielle à Auvers-sur-Oise et dans un ouvrage à paraître : Attaqué à la racine aux éditions Arthénon.

Vincent Van Gogh (1853–1890), <em>Racines d’arbres</em>, Auvers-sur-Oise, huile sur toile, 50 x 100 cm, juillet 1890 © Van Gogh Museum Amsterdam
Vincent Van Gogh (1853–1890), Racines d’arbres, Auvers-sur-Oise, huile sur toile, 50 x 100 cm, juillet 1890.
© Van Gogh Museum Amsterdam

Vous avez localisé le lieu où Van Gogh a peint son ultime tableau, comment avez-vous fait cette découverte ?
En janvier j’avais numérisé une série de cartes postales anciennes représentant Auvers-sur-Oise dans l’optique de refaire la présentation audiovisuelle de l’Auberge Ravoux. J’avais mis de côté certains fichiers que j’ai triés pendant le confinement. C’est ainsi que je suis tombé sur une carte de la Belle Epoque qui représente un homme sur la rue Daubigny à côté d’un ensemble impressionnant de racines sur un bord de route. En regardant longuement cette image ça a fait tilt : j’avais sous les yeux un morceau du dernier tableau de Van Gogh. J’ai comparé avec Racines, peint le jour de sa mort, et ça collait. J’ai essayé d’infirmer cette théorie mais elle résistait à l’examen. Je connais bien Auvers donc j’ai vite localisé l’endroit qui se trouve à environ 150 mètres de l’Auberge Ravoux. 

Comment avez-vous procédé malgré le confinement ?
Comme j’étais confiné chez moi en Alsace je ne pouvais pas me déplacer pour vérifier alors j’ai cherché sur internet une vue actuelle de cette portion de la rue. On devinait qu’il y avait encore quelque chose en place même si c’était envahi de lierres. J’ai demandé à Dominique-Charles Janssens, le président de l’Institut Van Gogh, qui était à Auvers s’il pouvait aller sur place. Il a pris des photos et fait un film. C’était incroyable car tout collait : la carte postale, le tableau et l’état actuel du site. Même si la souche s’est un peu transformé le morceau principal du tableau est toujours en place ; il s’agit d’une grosse souche de taillis d’arbres qui tient le côteau et qui ressemble à un éléphant.

Le sujet de Racines de Van Gogh à Auvers-sur-Oise © Photo Dominique-Charles Janssens
Le sujet de Racines de Van Gogh à Auvers-sur-Oise.
© Photo Dominique-Charles Janssens

Avez-vous soumis cette découverte à d’autres spécialistes ?
Oui j’ai soumis ma théorie aux chercheurs du Musée Van Gogh d’Amsterdam. Au début ils ont réagi avec une certaine réserve. Ils l’ont étudiée puis transmise à leur dendrologue officiel Bert Maes, un spécialiste des arbres historiques qui a déjà travaillé sur ce tableau. C’est son avis quelques semaines plus tard qui a fait basculer l’hypothèse dans la quasi-certitude. 

S’est alors posé la question de la protection du lieu ?
Oui, ce lieu qui hier n’était qu’un morceau de bois chez un particulier, devient à partir du 28 juillet un morceau de patrimoine culturel important puisqu’il s’agit du dernier vestige naturel peint par Van Gogh qui soit encore visible. Le propriétaire nous a autorisé à mettre en place rapidement une structure en bois pour le protéger avant d’installer une grille métallique pour préserver ce morceau de patrimoine du vandalisme. Désormais c’est une nouvelle station sur le parcours des pèlerins qui aiment Van Gogh et qui viennent lui rendre hommage. Ils vont pouvoir se mettre exactement là où il a peint son tout dernier tableau le jour de sa mort.

Racines a longtemps été mal compris, analysé comme une œuvre abstraite, en quoi cette découverte modifie-t-elle son interprétation ?
En 2012 le Musée Van Gogh a déjà publié un article qui remet en cause cette dimension d’abstraction. La découverte du site renforce encore le caractère figuratif de l’œuvre car même si les formes sont exagérées et les couleurs arbitraires, tous les éléments du tableau s’expliquent face au motif. En réalité Van Gogh fait ici ce qu’il a toujours fait : il peint ce qu’il a sous les yeux. 

Cette découverte fournit aussi des informations sur la dernière journée de l’artiste ?
Jusqu’à présent on ne savait pas ce qu’il avait fait l’après-midi. Or l’emplacement des racines, juste à côté de l’Auberge Ravoux, et l’éclairage du tableau qui est celui d’une lumière d’ouest assez basse de fin d’après-midi nous révèlent qu’il a travaillé toute la journée sur ce tableau. Pour moi cette chronologie invalide définitivement la thèse déjà hasardeuse et farfelue du meurtre de Van Gogh suite à une rencontre fortuite l’après-midi. D’autant que ce tableau de par son sujet, sur lequel Van Gogh a déjà écrit par le passé qu’il est une métaphore de la lutte pour la vie, et son inachèvement s’apparente totalement à une lettre d’adieu pictural.
 

INFORMATION

Wouter van der Veen, Attaqué à la racine, éditions Arthénon, 15 €

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