Cinéma

Tenet de Christopher Nolan

L’oligarque, l’experte et le faussaire

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 2 mars 2021 - 395 mots

L’été dernier, entre deux vagues de Covid-19, le cinéma nous proposait une hallucinante pièce montée. Aujourd’hui, la vidéo nous offre la possibilité d’explorer à la loupe les dédales du dernier labyrinthe de Christopher Nolan : Tenet

VOD Héros anonyme, le « protagoniste » affronte l’oligarque Andrei Sator qui s’est emparé d’une matière capable de rembobiner le cours du temps. Pour arriver jusqu’à lui, il contacte son épouse Kat. Experte en authentification d’œuvres, elle a fait acheter à son mari une gravure de Goya qui s’est avérée être un travail de son amant, le faussaire Arepo. Désormais, le Barbe bleue russe menace de traduire Kat en justice et de lui retirer la garde de leur enfant. Tyran roulant les « r », Sator est un Arcimboldo aux divers fruits plus ou moins vénéneux. De cette confiture d’industriels russes émerge la figure de Dmitri  Rybolovlev. Tandis que Nolan écrivait Tenet, le propriétaire de l’AS Monaco accusait le marchand d’art Yves Bouvier d’avoir surfacturé les tableaux qu’il lui proposait à l’achat. Les cinq années de procédure furent annulées alors même que sortait le film. Campé par Kenneth Branagh, Sator se fait servir son Goya sur un plateau d’argent, comme des œufs brouillés. S’il s’agit d’un faux, la séquence illustre son véritable rapport aux œuvres. Pour le rôle de l’experte, Nolan prolonge le mètre quatre-vingt-dix d’Elizabeth Debicki d’une paire de talons. Kat reste, littéralement, supérieure à son mari. Il a beau s’acheter le patrimoine de l’humanité, il ne saura jamais en saisir la valeur véritable. D’où cet instant où il ordonne à son épouse d’expertiser un arsenal d’armes automatiques. « Ce n’est pas mon domaine », réplique-t-elle. Et Sator de postillonner que ce « sale business » qu’elle méprise lui offre son train de vie luxueux. Pour le trafiquant, l’art flotte comme un nénuphar arrogant sur une mare de sang, telle cette femme, objet de fascination et de détestation.

Le scénario nous conduira dans les ports francs, zones interlopes glissées entre les frontières, où le marché de l’art s’active à l’abri des impôts. Le titre, Tenet, figure quant à lui au centre du « carré Sator », un graffiti palindrome énigmatique découvert à Pompéi. Dans ce même carré se devine le nom d’Arepo. Clé de la machination, ce personnage n’apparaît jamais à l’écran. Le faussaire se tient-il derrière la caméra ? Trompe-l’œil à 250 millions de dollars, Tenet serait aussi un autoportrait du metteur en scène en montreur d’ombres. 

 

À savoir

Né en Grande-Bretagne, Christopher Nolan est l’un des cinéastes les plus populaires de sa génération. À 50 ans, il est l’auteur d’une trilogie autour du personnage de Batman (2005, 2008, 2012) et de succès comme Inception (2010), Interstellar (2014) et Dunkerque (2017). 
 

Tenet, son onzième long métrage, met en scène John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki et Kenneth Branagh. Disponible en VOD (Amazon Prime, MyCANAL…) et en DVD/Blu-ray (Warner Bros. Entertainment France).
 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°742 du 1 mars 2021, avec le titre suivant : L’oligarque, l’experte et le faussaire

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