Cinéma - Faux

Film

Dans les cuisines de Guy Ribes

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 509 mots

Peintre et voyou, Guy Ribes fut le plus prolifique des faussaires français. Un documentaire livre ses secrets de fabrication et ses astuces pour écouler sa production.

Un vrai faussaire s’ouvre par une séquence au service des scellés du tribunal de Créteil. Des mains plongées dans la pénombre dévoilent des dessins de Matisse, de Degas et de Picasso éclairés  d’une lampe torche. Toutes les œuvres sont des faux réalisés par Guy Ribes. En trente ans, l’homme en aurait exécuté entre 1 000 et 5 000. « C’est la plus gosse affaires des trente dernières années », s’exclame le commandant de police Jean-Christophe Marten Perolin.

Arrêté par la police en 2005, Guy Ribes est jugé à Créteil pour contrefaçon en bande organisée en juillet 2010, puis condamné à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Jugé et condamné, il a accepté de se livrer à visage découvert. Soutenu par le « charisme » du personnage principal et les pauses musicales du compositeur Krishna Levy, le documentaire a la force d’une série noire.

Pipe au bec et chapeau mou sur la tête, dégaine à la Maigret, gouaille de marlou, vie de flambe et d’arnaque : Guy Ribes est un personnage en or pour le réalisateur du documentaire, Jean-Luc Léon. Connaisseur du milieu de l’art, ce dernier avait jeté un premier pavé dans la mare en diffusant, en 1996 sur Arte, Un marchand, des artistes et des collectionneurs qui dévoilait les coulisses du métier de galeriste à travers le prisme de Marianne et Pierre Nahon. Le film fit scandale. Des journaux évoquèrent alors « un couple d’épiciers qui ne pense qu’à sa marge bénéficiaire ».

« Quinze briques » pour un Chagall
Avec Guy Ribes on pénètre le marché de l’art par l’entremise d’un autre monde. Sa mère, gitane, était voyante. Son père, un homme violent apparenté au gang des Lyonnais, tenait un hôtel de passe. Apprenti dans un atelier de dessins de soierie, il peint en parallèle et écoule ses toiles sur les marchés. En 1975, Guy Ribes commence à copier des chefs-d’œuvre. C’est la rencontre en 1984 et les commandes d’un marchand de tableaux qui fera de lui un faussaire professionnel. Pour Guy Ribes, ce fut une occupation très lucrative. « Un faux dessin de Chagall me demandait trois-quart d’heure et je prenais quinze briques », lance le faussaire un petit sourire aux lèvres. Il aurait, selon ses dires, exécuté 300 à 400 gouaches de Chagall. Mais aussi des Matisse – dont un fabriqué en direct, livrant ses astuces et trucs à l’appui, devant la caméra du réalisateur —, des Léger, des Bonnard, des Modigliani, des Renoir et une ribambelle de Raoul Dufy qu’il « adorait » peindre. « Il y en a au moins quarante à moi dans le catalogue Raisonné de Raoul Dufy », lance le faussaire qui révèle ses magouilles et combines pour obtenir le sésame – le certificat d’authenticité – qui permettra d’écouler sa marchandise. « Il y a encore 1 000 à 2 000 faux de très bonne qualité dans la nature. Certains ont été intégrés à un catalogue raisonné », confirme Gilles Perrault, expert auprès des tribunaux. Ribes envisage-t-il de reprendre du service ? « Pas de la même manière de toute façon. Avant de me baiser, ils vont courir. »

Un vrai faussaire, film documentaire de Jean-Luc Léon sur Guy Ribes, 1h30, en salles depuis le 3 mars.

Légende photo
Guy Ribes dans « Un vra faussaire ». © Pretty Pictures.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Dans les cuisines de Guy Ribes

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